Publié le 25/11/2020
Peut-être un anti-Jak pour traiter la pneumopathie sévère de la Covid-19

L’infection à SARS-CoV-2 est une maladie biphasique caractérisée par une première phase pseudo grippale, suivie par une maladie pulmonaire et systémique dans laquelle une tempête cytokinique peut conduire à une détresse respiratoire aiguë et au décès. Les inhibiteurs de la voie Jak-Stat peuvent réduire la réaction inflammatoire et diminuer la mortalité en bloquant l'activation cytokinique.
Cette étude italienne (approuvée par le ministère de la santé), non randomisée, rapporte l'effet du ruxolitinib, un inhibiteur de Jak utilisé dans le traitement de la myélofibrose, à faible dose, chez des patients atteints de pneumonie sévère à Covid-19 ne nécessitant pas de ventilation mécanique. Ce groupe est comparé à un groupe contrôle de patients hospitalisés pendant la même période et ayant le les mêmes caractéristiques cliniques et radiologiques.
Les patients devaient avoir une RT-PCR positive pour le SARS-CoV2 sur écouvillonnage nasopharyngé, un scanner montrant un infiltrat pulmonaire typique, une fréquence respiratoire > 30/min ou une saturation en oxygène ≤ à 93 %. Sont exclus les patients ayant des comorbidités chroniques, des surinfections bactériennes documentées, ayant eu un traitement antérieur par anti IL1 ou anti IL6. Le ruxolitinib est donné à 5 mg x 2 fois par jour pendant 7 jours, puis 5 mg par jour pendant 10 jours. En complément, les patients reçoivent de la méthylprednisolone 1 mg/kg IV pendant 3 jours puis 0,5 mg/kg pendant 5 jours, puis de la prednisone PO en diminution sur 2 semaines.
Un traitement concomitant par hydroxychloroquine, lopinavir/ritonavir ou remdesivir n'est pas autorisé. Le groupe A de 32 patients ayant reçu du ruxolitinib est comparé au groupe B de 43 patients contrôles. Dans le groupe B, 23 patients (67 %) ont reçu de l'hydroxychloroquine, 13 (30 %) ont reçu l'hydroxychloroquine + lopinavir/ ritonavir, et 11 (25 %) de la méthylprednisolone pendant 3 à 10 jours. Tous les patients ont reçu une héparinothérapie prophylactique.
L’objectif primaire était la guérison clinique sans ventilation mécanique et sans admission en unité de soins intensifs (USI). La guérison clinique était définie par une apyrexie ≥ 3 jours avant sortie de l’hôpital avec une saturation en O2 ≥ 95 %.
L’objectif secondaire était la réduction de la réponse inflammatoire, définie par l’apyrexie et une diminution de la CRP ≥ 30 % en 3 à 10 jours après hospitalisation.
Plus de guérisons, moins de décès avec le ruxolitinib
Dans le groupe A, 75 % (n = 24) des patients ont été considérés cliniquement guéris, 16 % (n = 5) ont été transférés en USI, ventilés et cliniquement guéris, et 9 % (n=3) sont décédés. Le ruxolitinib a été arrêté chez les patients admis en USI.
Dans le groupe B, 27 patients (63 %) ont été considérés comme guéris, 7 % (n = 3) après passage en USI, et 30 % (n = 13) sont décédés.
Le taux estimé des patients en vie et cliniquement guéris est de 89,1 % dans le groupe A et 57,1 % dans le groupe B. Le pourcentage de patients qui ont atteint l'objectif secondaire est aussi significativement supérieur dans le groupe A (87 %, n= 28) par rapport au groupe B (23 %, n = 10).
Les patients inclus dans cette étude avaient une pneumonie hypoxémiante sévère mais ne nécessitant pas de ventilation mécanique, représentant un groupe intermédiaire de patients chez lesquels une réduction de la réaction immunitaire exubérante peut prévenir la progression du dommage pulmonaire et éviter l'intubation.
Le rationnel de l'étude était d'augmenter l'effet immunosuppresseur des corticoïdes par un inhibiteur multi-cytokines comme le ruxolitinib.
La voie Jak-Stat est impliquée dans l'inflammation et son inhibition peut conduire à une inhibition d'amont de l’IL6, du TNF alpha, de l’IL1, IL2, IL8.
Le risque avec l'utilisation d’un inhibiteur de la voie Jak-Stat était de favoriser la réplication virale mais cet effet ne se produit avec le ruxolitinib qu'avec de très fortes doses.
L'étude rapportée met en évidence une réduction significative de la mortalité et aucun effet indésirable chez les patients traités par rapport au groupe contrôle. Ces résultats favorables ont été obtenus par une atténuation de la réponse inflammatoire systémique comme en témoigne une plus rapide diminution du taux de CRP et la disparition de la fièvre chez les patients traités. Il est possible que les corticoïdes aient joué un rôle synergique. Il est à noter que, bien que 25 % des patients du groupe contrôle recevaient des corticoïdes, le bénéfice en survie n'était pas amoindri, suggérant que le ruxolitinib était l'agent le plus efficace de l'association.
Si cette étude montre des résultats statistiquement significatifs, elle n'est pas randomisée et porte sur de faibles effectifs. Elle pose le problème de la sélection et de l'utilisation d'un traitement immunomodulateur au cours de cette épouvantable maladie.
Pr Gérard Sébahoun
RÉFÉRENCE
D’Alessio A et coll : Low-dose ruxolitinib plus steroid in severe SARS-CoV-2 pneumonia. Leukemia 2020, publication avancée en ligne le 10 novembre. doi.org/10.1038/s41375-020-01087-z
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