Le site de Jacques Chevalier

drogues de synthèse en Europe

Dans le Journal International de Médecine du 1 juin 2025

L’inquiétant essor des drogues de synthèse en Europe

Quentin Haroche | 10 Juin 2025

Les autorités sanitaires soulignent que les nouvelles drogues de synthèse circulent de plus en plus en Europe, avec des effets dévastateurs pour les consommateurs.

3-MMC, Alpha PVP ou encore 2-MEC : ces drogues de synthèse au nom barbare sont entrain de devenir, avec les années, un véritable enjeu de santé publique. Dans son dernier rapport sur la consommation et l’accès au drogue en Europe publié ce jeudi, l’agence de l’Union Européenne sur les drogues (EUDA), qui a remplacé l’an dernier l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), s’inquiète ainsi de la présence de plus en plus importante de ces drogues produites en laboratoires et qui imitent (en les démultipliant) les effets des drogues plus classiques.

Quelques chiffres soulignent l’ampleur du phénomène : 37 tonnes de cathinones de synthèse, ces drogues qui reproduisent les effets du khat (dont la 3-MMC, une drogue très prisée par les adeptes du chemsex) ont été saisies en Europe en 2023, contre seulement 4,5 tonnes en 2021. Si l’importation depuis la Chine, l’Inde ou le Mexique reste la principale source d’accès à ces substances, la production en Europe augmente : 53 laboratoires clandestins ont été démantelés en Europe en 2023, du jamais vu. 

Les trafiquants ont toujours un coup d’avance

« Face à la disponibilité de nouveaux opioïdes synthétiques puissants, dans l’Union européenne et à leurs risques sanitaires graves, il est essentiel d’améliorer la capacité de l’Europe à identifier de nouvelles substances, à déterminer la pureté des drogues et à réaliser un profilage pharmacologique afin de clarifier les substances commercialisées » plaide le rapport, qui milite pour une grande collaboration entre les Etats membres dans la lutte contre le trafic des stupéfiants. 

Le rapport de l’agence européenne confirme que les trafiquants de drogue ont toujours un coup d’avance sur les autorités des pays membres. En créant en permanence de nouvelles drogues, ils parviennent à échapper temporairement à l’illégalité, car comme tout ce qui n’est pas expressément interdit est autorisé, ces nouvelles substances ne sont pas immédiatement inscrites sur la liste des stupéfiants. « La problématique avec les NPS c’est bien le temps qu’il faut pour les identifier et les classer dans la liste des stupéfiants » expose ainsi à Libération l’association de lutte contre la toxicomanie Oppelia. « Cesdrogues profitent d’une liberté de mise sur le marché pendant une période et suppléent chez certains consommateurs les drogues initiales ».

Sur le terrain, les données confirment que ces drogues de synthèse font des ravages chez les consommateurs : selon la dernière édition de l’étude Drames, qui établit un panorama annuel des morts par overdose en France, on a comptabilisé, en 2023, 17 décès liés à la consommation de GHB, 16 décès par consommation de cathinones et 7 décès par consommation de nitazènes, des opioïdes 500 fois plus puissant que la morphine. Par comparaison, en 2022, on ne comptait que trois décès par consommation de GHB et aucun par nitazène. La dangerosité particulière de ces produits tient notamment au dosage très précis (la marge entre l’effet recherché et l’effet toxique est étroite) et au fait que des produits sont généralement vendus pour d’autres et que les consommateurs ne savent pas toujours ce qu’ils prennent.

Les adeptes du chemsex particulièrement touchés 

« Cathinones et GHB peuvent être combinés, parfois aussi avec de la cocaïne ou de la kétamine, et ces mélanges, qui font de plus en plus d’adeptes, peuvent aboutir à des toxicités assez graves » explique au Monde le Pr Bruno Megarbane, dont le service de réanimation à l’hôpital Lariboisière prend en charge un à deux patients par semaine victimes d’une overdose de drogues de synthèse, généralement lié à des séances de chemsex. « Les nouvelles drogues de synthèse, c’est la roulette russe » confirme le Pr Joelle Micallef, responsable du centre d’addictovigilance de la région PACA. « Le dosage est crucial. Les conséquences peuvent aussi être terribles si on ajoute un autre opioïde, et on n’a pas d’antidote ».

Les forces de l’ordre confirment également cette hausse de la consommation de drogues de synthèse et leur potentiel effets mortels. « Au début des années 2010, une seule saisine par an concernait les drogues de synthèse, sur une vingtaine de dossiers d’overdoses mortelles. Désormais, cela représente environ un tiers des enquêtes » explique-t-on à la brigade des stupéfiants. « Tous les profils des victimes, dont le groupe est saisi, et qui ont fait l’usage de ces drogues de synthèse, sont des hommes liés à la pratique du chemsex ».

Dans son rapport, l’agence européenne évoque également les drogues plus classiques, avec là aussi des données inquiétantes : dans le cannabis, la drogue illégale la plus consommée en Europe (24 millions de consommateurs annuel), le taux de THC, la principale substance psychoactive, a doublé en une décennie, pour atteindre 23 %, aggravant ainsi les effets néfastes pour le cerveau de la consommation de cette drogue. Le nombre de consommateurs de cocaïne (4,6 millions en 2024) est également en augmentation constante.

0

Date de dernière mise à jour : 10/06/2025

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !