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Retour de la Diphtérie en Europe

Dans le JIM du 6 juin 2025

Le retour de la diphtérie en Europe occidentale

Quentin Haroche | 06 Juin 2025

Plus de 350 cas de diphtérie ont été recensés dans des camps de migrants en Europe en 2022. Des chercheurs européens reviennent sur cette poussée épidémique et le risque qu’elle entraîne pour la santé publique européenne.

Grâce à une politique vaccinale efficace, la diphtérie fait partie de ces maladies autrefois dévastatrices qui ont quasiment disparu, du moins dans les pays les plus développés de la planète. Ainsi, alors qu’on comptait dans la première moitié du XXème siècle plusieurs millions de cas par an en Europe, causant des dizaines de milliers de morts, le centre européen de contrôle des maladies (ECDC) ne comptabilise en moyenne qu’une trentaine de cas par an dans l’Union Européenne, la majorité importée.

Mais comme d’autres maladies qui avaient donc quasiment disparu dans nos contrées, il semble que la diphtérie soit de retour. En 2022, plusieurs centaines de cas de diphtérie ont ainsi été recensées dans des camps de migrants à travers l’Europe occidentale. A l’époque, l’ECDC avait mobilisé un consortium composé de chercheurs européens afin de se pencher sur cette épidémie, la plus importante en Europe de l’Ouest en plus de 70 ans. Trois ans après cette poussée épidémique, le groupe de scientifiques, dirigé par le Dr Sylvain Brisse, épidémiologiste spécialiste des bactéries pathogènes à l’Institut Pasteur, a rendu ses conclusions dans un article publié ce mercredi dans le New England Journal of Medicine

30 cas de diphtérie chez des migrants en France

Les chercheurs ont identifié au total 362 cas de diphtérie chez des migrants à travers l’Europe. L’Allemagne était le pays le plus touché (118 cas), suivi de l’Autriche (66 cas) et du Royaume-Uni (59 cas) : la France a enregistré pour sa part 30 cas. La quasi-totalité des patients (98 %) étaient des hommes, avec un âge médian de 18 ans. Les chercheurs expliquent cette domination masculine par différents facteurs : les migrants sont majoritairement des hommes, les hommes migrants sont moins isolés que les femmes migrantes mais ces dernières ont un meilleur accès aux soins, notamment durant leur grossesse. La plupart des migrants (plus de 80 %) provenaient de Syrie ou d’Afghanistan.

Les trois quarts des patients (77,5 %) présentaient une forme cutanée de la maladie, les autres présentaient soit une forme respiratoire, soit cumulaient les symptômes cutanés et respiratoires. 17 patients au total ont été hospitalisés et un seul est décédé.

L’analyse génétique des bactéries a permis d’identifier quatre clusters différents. Plusieurs gènes codant pour des résistances aux antibiotiques (l’érythromycine et la pénicilline notamment) ont été identifiés dans ces bactéries. Les chercheurs émettent l’hypothèse que la plupart des migrants ont été contaminés lors de leur parcours migratoire et non pas dans leur pays d’origine. Alors que la majorité des patients a traversé les Balkans au cours de leur parcours, les auteurs de l’article estiment probable que l’épidémie a commencé dans cette région avant 2022, mais que la faiblesse des symptômes et la désorganisation du système de santé liée à la pandémie de Covid-19 ont empêché sa détection.

Sept cas secondaires chez des non-migrants en 2023

Des analyses sur les cas observés en 2023 permettent d’éclairer les suites de cette épidémie. Le consortium de scientifiques a enregistré 169 cas de diphtérie cette année-là, dont 16 en France. Deux nouveaux décès sont à déplorer. Les chercheurs estiment cependant probable que le dépistage soit lacunaire et que le nombre de cas réels en Europe soit en réalité plus important. Fait notable : sept cas secondaires ont été observés chez des SDF et des toxicomanes non migrants.

Les auteurs de l’article tirent deux conclusions de ces résultats. Premièrement, la baisse du nombre de cas observés entre 2022 et 2023 montre qu’une action sanitaire efficace, basée sur le dépistage, la prévention, le traitement des cas et la vaccination, permet d’empêcher la propagation de la maladie. Deuxièmement, le fait que des personnes non-migrantes aient été touchées prouve que le risque que ces flambées épidémiques chez des migrants provoquent dans le futur des épidémies de plus grande ampleur en Europe n’est pas à exclure.

« Ces données suggèrent un certain nombre de mesures à prendre en Europe pour réduire le risque de telles épidémies à l’avenir » concluent les scientifiques, qui appellent notamment à « améliorer la sensibilisation des migrants et de leurs médecins, mettre en place des protocoles de vaccination rigoureux pour les migrants, assurer une surveillance clinique des personnes à risque, poser un diagnostic rapide chez les personnes symptomatiques et effectuer un dépistage des contacts avec confirmation des cas en laboratoire ». 

Si les taux de vaccination chez les enfants restent très élevés en Europe grâce au maintien de la vaccination obligatoire, tel n’est pas le cas de la vaccination de rappel chez les personnes âgées alertent enfin les auteurs. Ils appellent donc les pays européens à mener des campagnes de vaccination chez les personnes âgées.

Date de dernière mise à jour : 20/06/2025

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