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JIM 9 nov 20 Alcool

Alcool : les politiques de santé publique efficaces.

In Journal International de Médecine (France - 9 novembre 2020)

Publié le 09/11/2020

Alcool : les politiques de santé publique efficaces

Encourager la réduction de la consommation d’alcool est un enjeu majeur de santé publique en France. Un certain nombre de leviers paraissent performants pour réduire les risques, et notamment pour protéger les publics les plus vulnérables, tels que l’augmentation des prix, la régulation de la vente, le contrôle de la publicité… Tous doivent contribuer à faire évoluer l’image de l’alcool et à alerter sur sa dangerosité. Ces outils, efficaces, reposent essentiellement sur l’interdiction et la dissuasion et doivent être associés à des mesures de prévention, dont l’objectif est de modifier en profondeur les comportements vis-à-vis de l’alcool et les représentations les plus courantes.

1. L’augmentation du prix de l’alcool réduit sa consommation

L’augmentation du prix de l’alcool fait partie des leviers efficaces pour en réduire l’accès. En France, le prix de l’alcool relève en grande partie de la réglementation fiscale(1). Une augmentation de la fiscalité réduit l’attractivité de l’alcool et engendre des recettes fiscales non négligeables. Pour éviter que cette augmentation soit « masquée » par une baisse des prix de la part des producteurs ou distributeurs, certains pays ont fixé un prix minimum légal par litre d’alcool. L’adoption d’une telle disposition en France est souhaitée par de nombreux responsables d’organisations luttant contre les addictions.

Les taxes sur la vente d’alcool (hors TVA) représentent environ chaque année 3,2 milliards d’euros. Les spiritueux sont plus taxés que la bière ou le vin.(2)

2. Des règles de vente pour la population générale à respecter sous peine de sanctions

La vente d’alcool fait par ailleurs l’objet d’une réglementation destinée à rendre son accès plus difficile que les produits de consommation quotidienne. Certaines boissons à haut degré d’alcool ne peuvent être commercialisées. La vente d’alcool, à emporter ou à consommer sur place, est en outre soumise à des autorisations. Quant aux ventes temporaires (manifestations locales, foires, etc.), elles sont régies par le code de la santé publique. Certaines modalités de vente sont interdites (ventes ambulatoires de certaines boissons, distributeurs, « open bar », ou dans les stations service entre 18 h et 8 h, etc.). Enfin, des règlementations locales peuvent interdire la consommation sur la voie publique. La violation de ces interdictions expose à différents types de sanctions (de la contravention à la peine d’emprisonnement).

 

Les débits de boissons alcooliques

Les règles concernant l’ouverture des débits de boissons alcooliques à consommer sur place (licences III et IV) ont été récemment modifiées par une loi du 27 décembre 2019.

Ces modifications concernent les zones protégées. Trois catégories sont désormais définies (contre huit auparavant) :
 

Établissements de santé, centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie et centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues ;

Établissements d’enseignement, de formation, d’hébergement collectif ou de loisirs de la jeunesse ;

Stades, piscines, terrains de sport publics ou privés).

Par ailleurs, la loi ouvre la possibilité de créer des licences IV (par déclaration auprès du Maire) dans les communes de moins de 3 500 habitants n’en comptant pas au 29 décembre 2019.

3. Diminuer l’attractivité de l’alcool en régulant sa publicité

En France, la loi Evin du 10 janvier 1991 a encadré strictement le contenu et les supports de la publicité pour l’alcool, notamment vis-à-vis des supports destinés à la jeunesse.

 

La distribution d’objets vantant les mérites des boissons alcoolisées est interdite aux mineurs, de même que la vente ou la distribution de boissons alcoolisées dans les établissements sportifs (hors autorisation spéciale lors de certains évènements).

 

Le « sponsoring » par des producteurs de boissons alcoolisées est interdit.

 

Sauf cas particuliers, les publicités doivent comporter un message sanitaire préventif « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». La mention « À consommer avec modération » installée par l'usage n'est pas réglementaire et a été ajoutée par les annonceurs pour atténuer l’impact potentiellement disuassif du message sanitaire. (3)

 

4. Protéger les publics vulnérables (mineurs et femmes enceintes)

Aux mesures régissant la publicité à destination des mineurs, s’ajoutent l’interdiction de vendre ou d’offrir de l’alcool aux moins de 18 ans et celle de recevoir dans un débit de boisson un mineur de moins de 16 ans non accompagné par un majeur responsable.

 

Des mesures sont prises aussi pour protéger les femmes enceintes, avec l’obligation de faire figurer sur les boissons alcoolisées un message ou un pictogramme recommandant de ne pas consommer d’alcool pendant la grossesse. Certains souhaitent une plus grande visibilité de ce pictogramme.

5. Des sanctions dans des circonstances particulières

L’ivresse publique peut être sanctionnée pénalement et peut faire l’objet d’une mesure de rétention. La conduite en état d’ivresse, est sanctionnée à partir d’une alcoolémie de 0,5 g par litre et de 0,2 g par litre pour les conducteurs titulaires d’un permis probatoire ou en situation d’apprentissage.

6. Une sensibilisation pour expliquer la dissuasion

Ces mesures, s’appuyant sur la dissuasion sont efficaces pour réduire la consommation d’alcool si elles sont respectées, ce qui est doit être garanti par des sanctions réelles. Elles se heurtent cependant parfois à de fortes oppositions de la part des consommateurs ou des acteurs économiques. Des actions de fond, visant à modifier les comportements doivent donc y être associées.

 

L’objectif des campagnes régulières de sensibilisation est ainsi d’inciter à faire le point sur sa consommation d’alcool, et à la réduire en améliorant les connaissances et la prise de conscience des risques.

 

Les campagnes de sensibilisation promeuvent auprès du public des repères pour que chacun puisse évaluer objectivement et facilement sa consommation. La mise à disposition par le site alcool-info-service.fr d’un test d’évaluation de la consommation participe à cette sensibilisation(4). La diffusion de messages simples et percutants (« Pour votre santé, maximum 2 verres par jour et pas tous les jours ») permet à chacun de se situer rapidement vis à vis de ses habitudes de consommation.

 

La publication de mises au point régulières sur les risques, les brochures, articles de fond ou sites institutionnels fournissent les informations complémentaires. Tous ces outils visent à faire évoluer les connaissances ou les croyances que chacun peut avoir sur l’alcool, et in fine à soutenir une motivation pour modifier les comportements en profondeur.

 

Enfin, la formation et l’incitation des professionnels à l’utilisation du repérage précoce et de l’intervention brève (RPIB) a pour objectif de sensibiliser un grand nombre de patients.(5)

La France n’est pas le seul pays dans lequel la consommation d’alcool constitue un enjeu de santé publique. Dans l’Union européenne, presque tous les pays ont adopté une stratégie nationale de lutte contre l’alcool, le plus souvent associée au « plan européen de lutte contre l’usage nocif d’alcool 2012-2020 », promu par l’OMS.
 

RÉFÉRENCES

(1) https://www.alcool-info-service.fr/alcool/loi/alcool-reglementer-consommation
https://www.demarches.interieur.gouv.fr/professionnels/est-il-interdit-installer-debit-boissons-alcoolisees
(2) https://www.alcool-info-service.fr/alcool/consommation-alcool-france/culture-alcool-consommation-vin
(3) https://www.alcool-info-service.fr/alcool/loi/alcool-reglementation-publicite
(4) https://alcoometre.fr/
(5) Lien vers l’article : Alcool : évaluer sa consommation et décider d’agir

Date de dernière mise à jour : 14/03/2021

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