Le site de Jacques Chevalier

PATRICK LE HYARIC

La lettre du 8 juillet 2023 au sujet du meurtre de Nahel et des violences urbaines.

Un pas de plus pour la viande "artificielle". 7 juillet 2023

Un pas de plus vers la viande « artificielle »

Voici que deux entreprises basées en Californie, aux États-Unis, viennent de recevoir l’autorisation de l’agence de la sécurité alimentaire nord-américaine (FDA) de produire de la viande de poulets de laboratoire. Cette fabrication consiste à mettre en culture des cellules extraites d'animaux ou d’œufs de poule fertilisée dans des bioréacteurs, puis de les nourrir avec des nutriments comme des protéines, des graisses, des sucres, des minéraux et des vitamines. En faisant fermenter ces nutriments, les cellules se développent et le produit est par la suite « récolté » dans des cuves moulées, en forme de filet de poulet.
Ces entreprises apprenties sorcières, Good Meat ou Joinn Biologics, sont liées aux géants du numérique. Ainsi, le capitalisme nord-américain compte produire de la nourriture par-delà les cycles de la nature qu’il considère trop lents pour la rotation du capital et donc pour les profits. Évidemment, une telle manipulation, qui va agir sur l’alimentation et donc la santé humaine, est présentée parée de vert, comme un moyen de préserver l’environnement et d’éviter les souffrances animales.
Or, il s’agit surtout de préserver et d’augmenter les profits. D’autres entreprises s’activent pour la fabrication de la nourriture pour animaux de compagnie. Personne ne révèle pour l’instant le coût de production de tels aliments. Personne n’évalue non plus les coûts environnementaux de ces techniques et les déséquilibres territoriaux qu’elles portent en germe.
Pourtant, une étude récente de l’université de Californie, en débat chez d’autres scientifiques, montre que les phases de production de la viande artificielle nécessitent beaucoup d’énergie et émettent une grande quantité de gaz à effet de serre. Pour la santé, les territoires, l’emploi, la qualité alimentaire, défendons les petits et moyens éleveurs ! Pour l’humanité, restaurons le lien entre l’alimentation humaine avec le rythme et les cycles de la nature.  C’est une sécurité pour l’avenir.
 

Patrick le Hyaric

1 juillet 2023 NAHEL

Nahel : 17 ans... Ce n’est pas un âge pour mourir

 

Tristesse ! Que dire ? Sécher ses larmes ? Serrer les poings ? Comment est-ce possible ? Nahel a été tué de sang-froid. Mourir ainsi à 17 ans abattus à bout portant par un policier. Mourir en laissant sa maman, ses proches pleurer des souvenirs, des moments partagés, mais surtout une possibilité de vie. Chaque jeune de France se dit : cela aurait pu être moi. Chaque maman se dit : cela aurait pu être mon fils.

 

À toutes celles et ceux qui se gargarisent avec le mot République, pour mieux balafrer ses idéaux, nous devons demander ce qui a été fait pour qu’il reste en vie. Partout, en France, on crie : justice ! Il y a bien un lien ténu entre la mise en œuvre de la loi de sécurité de 2017 portant sur l’utilisation des armes à feu par la police et son interprétation par la hiérarchie policière. Il y a le même lien ténu entre l’augmentation des « refus d’obtempérer » et l’augmentation continuelle du prix des assurances. Cela ne justifie pas qu’on tue. Les images ont obligé à voir une réalité. Elles ne montrent pas la menace que le refus d’obtempérer fait courir à deux policiers ni à autres personnes. Rien ne justifie qu’on meure d’une balle dans la poitrine à 17 ans. Absolument rien. Nous sommes aux côtés de sa maman, de ses proches. Nous sommes aux côtés du maire de Nanterre, des élus et de la population.

 

Ce drame ne relève d’aucune fatalité. Il discrédite l’État et ses forces dites de l’ordre alors qu’elles devraient être des « gardiens de la paix ». Au nom d’un ordre juste, les coups de menton ministériel promeuvent juste de l’ordre. De l’ordre dans une société où la majorité de la population n’en peut plus d’entendre les bruits de l’argent qui coule à flots à un petit pôle de la société, des scandales divers de corruption, les magouilles de toute sorte. Ces messieurs du haut ne parlent jamais du mur qui enferme les habitants des cités. Leur problème est le « mur de la dette » à rembourser. À qui ? Aux banques et aux fonds financiers qui se gavent du manque de services publics dans ces mêmes quartiers comme dans les campagnes. Cela fait des mois que l’on sent les tréfonds de la société bouillir. Aucune leçon n’a été tirée des résultats des élections municipales où la plupart des maires ont été élus… sans électeurs. Aucune leçon réelle des résultats des différents scrutins dans les quartiers populaires. Aucune leçon des conditions du confinement dans les quartiers populaires. Aucune leçon des mises n’en garde sur la violence des « contrôles policiers au faciès » le racisme et le mépris dont sont l’objet ces citoyens. Même l’ONU vient de déclarer ce vendredi que la France doit « s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme parme les forces de police. Oui, l’ONU.

 

Qu’ont-ils bien à faire les jeunes de ces quartiers discriminés des proclamations gouvernementales sur les « taux » de chômage quand eux sont assignés à résidence, discriminés et invités à devenir « ubérisé » en s’endettant pour longtemps. En ce moment même avec les constructions des équipements des Jeux olympiques s’accélèrent ce que l’on appelle la gentrification, c'est-à-dire l’accélération du déplacement des populations les plus en difficulté de ces quartiers par des catégories sociales plus aisées. Celles et ceux qui y habitent, parents et enfants, ouvriers, employé, étudiants, bref les premiers de corvée, celles et ceux que l’on croise de très bonnes heures dans les transports en commun n’auront pas accès à ces logements. Ils sont trop chers. Et que dire de la possibilité pour elles et eux de participer aux Jeux olympiques quand il faut presque deux mois de salaire pour disposer d’un billet ? Pourquoi, les habitants des « banlieues » ces lieux mis au ban de la grande ville et de la société n’ont-ils pas droit au beau.

 

Dire ceci n’est pas justifier les violences et les destructions de voitures des voisins, de services publics, de mairies, de dépôts de bus, les attaques de magasins pour voler. On croit s’en prendre à l’État ou à tout ce qui représente l’État. En fait, c’est à soi-même et à ses semblables qu’on fait mal, c’est sa voisine, son voisin, son cousin qu’on empêche d’aller au travail, voir qu’on met au chômage. Ces violences, se retournent toujours contre les populations les plus en difficulté, donnent prétexte au pouvoir de restreindre encore la démocratie.

 

L’apaisement et le dialogue dans les cités sont indispensables. Pour cela, la confrontation politique doit reprendre ses droits. Mais les autorités publiques doivent écouter, entendre et en tirer les conclusions pour améliorer réellement la vie des citoyens. Pas le énième « plan banlieue » mais le respect, l’égalité des droits, la fin du racisme et des discriminations, l’accès à l’école, la formation, la culture, le sport et à un travail intéressant correctement rémunéré, a un logement de qualité à un prix abordable.

 

Ce n’est pas le chemin que montre le pouvoir qui va jusqu'à interdire aux députés de voter une loi de recul de l’âge de la retraite. Loin de moi, l’idée de tout mélanger. Seulement l’épisode du coup de force pour imposer la loi des 64 mois a des conséquences sur les modes de « luttes » dans cette jeunesse et ses parents qui ne sont jamais écoutés. Mais on peut en dire de même des territoires ruraux, là où on s’est beaucoup mobilisé contre la loi des 64 ans, là où manquent tant de services publics, là où deux paysans se suicident en silence chaque jour. Qui porte contre eux, la violence ? Même le rapport commandé à Jean-Louis Borloo sur les banlieues a été jeté à la poubelle en direct à la télévision, pour des raisons politiciennes. Qui a donc soufflé sur les braises de l’incendie qui couvait depuis un long moment ? Et ce ne sont pas les déplacements ministériels ou de pseudo-réunion de crise sous l’œil des caméras qui ouvrent le chemin d’un renouveau du dialogue, de l’apaisement, de la construction d’une police proche et au service des habitants. Nahel, ce prénom qu’il ne faudra pas laisser s’enfouir dans l’oubli !

7 juin 2023

Que révèlent les attaques gouvernementales contre Justine Triet ?

Publié le

Mercredi 7 juin 2023

Patrick Le Hyaric

Patrick Le Hyaric

Patrick Le Hyaric

Justine Triet, Annie Ernaux, Blanche Gardin. Elles sont trois. Trois femmes, trois créatrices à subir les foudres de la bien-pensance réactionnaire et des gens de pouvoir. Toutes trois qui ont pour point commun de questionner, avec d’autres, la société et le système politique, d’oser émettre des critiques contre le néolibéralisme. Crime de lèse-système ! La France des Lumières et de l’exception culturelle n’a pas l’air de se sentir honorée par l’une de ses plus éminentes écrivaines Annie Ernaux, récipiendaire du prix Nobel de littérature, par Blanche Gardin, actrice et réalisatrice de talent engagée contre la pieuvre Amazon, ou par Justine Triet qui s’est vu décerner la dixième Palme d’or française au Festival de Cannes, sans que le président de la République n’ait daigné la féliciter. Son forfait : avoir critiqué la funeste loi des 64 ans et demander au pouvoir de ne pas céder d’un pouce sur l’exception culturelle.

Quand un pouvoir commence à se plaindre et à combattre des artistes et des écrivains qui participent au rayonnement du pays, il y a du souci à se faire. Ceux qui filment, écrivent, peignent, interprètent, parlent de l’intimité de nos vies, éclairent le monde ou aident à penser portent en avant la liberté et l’émancipation. Ces trois femmes ne font que s’insurger, avec des millions d’ouvriers et de travailleurs, contre le pervertissement par l’idéologie libérale de nos systèmes de santé, de retraite, d’éducation, de justice ou de culture.

Les tirs de barrage gouvernementaux contre Justine Triet qui a mis sur la place publique l’important sujet de la marchandisation de la culture en disent long, très long sur les manières d’appréhender les enjeux de la liberté de création et de la culture. Il lui a été notamment reproché de donner son opinion parce qu’elle aurait reçu «des aides publiques». Autrement dit, il est exigé d’une artiste qu’elle se taise sous peine de lui supprimer les aides publiques à la création. Quelle similitude avec la chasse aux classes populaires qui, nous serine-t-on, seraient coupables de fraude fiscale ou utiliseraient la prime de rentrée scolaire pour s’acheter des écrans plats !

En tout point, le climat que crée le pouvoir est particulièrement malsain et ensemence chaque jour un peu plus le populisme le plus réactionnaire en alimentant ouvertement un discours exécrable sur de prétendues «élites subventionnées».

Rétablissons les faits : la lauréate du Festival de Cannes a dit exactement le contraire de ce qu’on lui reproche. Elle a montré que le système français de financement du cinéma s’est avéré indispensable à la production de son film. Seulement, ce système n’a pas été inventé par l’actuel gouvernement et n’est certainement pas sa propriété. Il est le résultat de 70 années de lutte des artistes et des forces progressistes. En revanche, elle s’est à juste titre élevée contre «la marchandisation de la culture que ce gouvernement néolibéral défend».

Les attaques ministérielles contre l’artiste, finalement, ont comme un curieux goût d’aveu. Elle laisse entendre que l’industrie du cinéma, des réalisateurs aux producteurs, des distributeurs aux exploitants, est trop protégée. Le moment serait donc venu de s’inscrire dans la financiarisation générale des activités demandant de plus en plus de penser à la «rentabilité» d’un film, d’une œuvre d’art. Ces grands procureurs se gardent bien de dire que le financement du cinéma n’est pas le fait de l’argent public, mais de l’argent des spectateurs. Une part (10 %) du prix du billet d’entrée dans une salle de cinéma le finance, ce que l’on appelle la taxe additionnelle sur les entrées. Le Centre national du cinéma s’autoalimente presque en totalité à partir des bénéfices réalisés sur les films. Mais pour le pouvoir, c’est haro sur les artistes, et discrétion totale sur les milliards offerts aux grandes entreprises sans aucune contrepartie. Ils oublient aussi d’informer sur les emplois et les richesses que permet de créer le cinéma.

Faut-il conclure de tout cela, comme Justine Triet, qu’une offensive néolibérale se déploie contre la création et la culture ? Évidemment oui ! Les piliers économiques sur lesquels s’est bâtie l’exception culturelle française cinématographique ont permis une production abondante de films. Elle est aujourd’hui mise à mal de différentes manières : le laisser-faire vis-à-vis des grandes plateformes nord-américaines comme Netflix, Amazon ou Disney + contribue à vider les salles. En réduisant le nombre de spectateurs, on réduit automatiquement le financement du cinéma français. Le gouvernement refuse de combattre ce phénomène. Il l’accompagne au contraire de connivence avec ces plateformes qui, évidemment, ne financent pas ou peu la création, le cinéma d’art et d’essai et peuvent se permettre de ne pas payer leurs impôts en France. Et quand ils financent la création, comme Netflix, c’est au prix d’un chantage éhonté pour gagner des positions dominantes dans l’ensemble de la filière.

Ceci conduit à assécher les moyens essentiels du financement et à remettre en cause le préfinancement des films par les télévisions françaises en échange d’une diffusion quelques mois plus tard de ces mêmes œuvres. Ce que l’on appelle la «chronologie des médias», que les grandes plateformes remettent en cause en diffusant immédiatement des films au détriment des salles de cinéma et des chaînes de télévision. Poursuivre dans cette voie revient à les laisser imposer leurs vues sur la nature de la création cinématographique au profit de films à grande audience au contenu normalisé par la culture anglo-saxonne. Voilà ce qu’a dénoncé Blanche Gardin. Et voilà ce qui déplaît aux tenants du capitalisme mondialisé. Demain, il deviendrait impossible de conserver le modèle original qui a permis de pré financé «Anatomie d’une chute», le film qui reçoit aujourd’hui la palme d’or, co-financé par France Télévisions pour la moitié dans le cadre d’une coproduction, et pour l’autre moitié avec pré-achat de diffusion. Avec ce modèle, la chaîne de télévision publique ne sera pas perdante. Ajoutons que la décision de supprimer la redevance audiovisuelle réduit encore les moyens pour la création cinématographique originale. Il faut une sacrée dose de culot pour en appeler à “poursuivre notre œuvre de bâtisseurs”, comme l’a déclaré mardi le président au Mont-Saint-Michel, alors qu’il ne cesse de faire œuvre de destruction. Le cri d’alarme de Justine Triet et de bien d’autres acteurs et réalisateurs est donc tout à fait justifié.

Nous sommes entrés dans un moment inquiétant ou le pouvoir, non-content d’exiger des artistes le silence, bâillonne le Parlement, poursuit les militants syndicaux, violents des manifestants. Instiller l’idée que culture et élites participeraient du même moule, vise à séparer la culture du peuple en faisant oublier que l’immense majorité des artistes ont un quotidien précaire. Au-delà, c’est vouloir empêcher toute solidarité entre les citoyens, les travailleurs et les créateurs. Un livre, un film, une exposition, une chanson, une création musicale pénètrent l’intimité des vies et modifient l’imaginaire de celles ou de celui qui y accèdent. De même, entretenir la confusion entre culture et distraction vise à rendre les gens… Distraits, justement, afin d’entretenir les logiques d’aliénation. La distraction occupe bien l’esprit, mais ne mène nulle part. Voilà pourquoi, la demande des puissants aux auteurs, musiciens, cinéastes, écrivains est de se mettre à l’écoute de «leurs clients». Les lecteurs deviendraient ainsi des consommateurs de livres. La création deviendrait ainsi de la créativité. Qu’on est ici loin de Louis Aragon pour qui «tout ce qui sert la culture sert l’humanité dans sa marche ascendante». «L’art doit être dangereux» avait proclamé Jack Ralite. Évidemment, les puissants ne l’acceptent pas. Ils considèrent que la liberté de création contagieuse au point qu’elle puisse contribuer à l’émergence d’une politique d’émancipation. La saillie du pouvoir contre Justine Triet intervient également dans un contexte ou des collectivités locales d’extrême droite et de droite réduisent les crédits publics aux associations, aux bourses du travail comme aux créations culturelles. Dans la région Rhône-Alpes, le président M. Wauquiez supprime les aides publiques à un théâtre parce que ces contenus ne lui plaisent pas. À Calais, la maire de droite en fait de même. Le monde de la culture et de la création ne peut être réduit au silence et pris en tenaille entre un pouvoir qui leur demande de se taire, et les multinationales ogresques. Que l’on songe au groupe Bolloré qui, en devenant propriétaire d’une bonne partie du secteur du livre, de la création cinématographique et de chaînes de télévision, de festivals et de catalogues de musiciens, choisit quelles œuvres seront éditées, quel film sera produit, quel musicien pourra être mis en avant. D’autres grands majors liés à des grands groupes financiers placent auteurs, chanteurs et musiciens sous leur domination jusqu’à devenir propriétaires des festivals. Aussi concurrents qu’associés avec les géants nord-américains du numérique, ils finiront d’écraser la diversité culturelle et de donner le coup de grâce à l’exception culturelle, qui n’est autre que le soutien public à la création et le gage de son indépendance des puissances d’argent. Oui l’exception culturelle est menacée. Il est du devoir de l’État de la protéger. Redoublons de vigilance et de soutien au monde de la création, car comme ne cessait de le répéter notre regretté Jack Ralite, «La culture se porte bien, pourvu qu’on la sauve !»

Date de dernière mise à jour : 09/07/2023

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