Le site de Jacques Chevalier

Droit d'asile

A propos du Droit d'Asile en général et de mise en service de deux nouveaux centres fermés pour étrangers

Pour commencer une carte blanche de Simon Moutquin, député fédéral ECOLO, dans le Journal Le Vif en avril 2020 :

  • 19/04/20 à 09:12
  • Mise à jour à 10:51
  • Source : Le Vif
 

Carte blanche

Aujourd'hui, une crise sanitaire sans précédent ébranle le monde entier. Aujourd'hui, l'échec de nos politiques migratoires nous revient comme un boomerang et se traduit en séquelles visibles y compris à l'intérieur de nos frontières

 
Aujourd'hui, une crise sanitaire sans précédent ébranle le monde entier. Depuis ce bouleversement, l'échec des politiques migratoires ne se donne plus seulement à voir dans le nombre de corps que la Méditerranée nous renvoie, ou dans ces camps indignes qui voient s'amasser des dizaines de milliers de personnes sur les îles grecques, ou encore au travers des barbelés hongrois ou des trafics esclavagistes de personnes migrantes en Libye. Aujourd'hui, l'échec de nos politiques migratoires nous revient comme un boomerang et se traduit en séquelles visibles y compris à l'intérieur de nos frontières. Dans ces centres Fedasil, désormais bondés où la distanciation sociale ne peut être respectée ; dans ces centres fermés pour migrants coupés du monde sans contrôle démocratique ; dans la responsabilité européenne de ce qu'une contamination massive des hotspots entraînerait et finalement, à travers ces dizaines de milliers de sans-papiers que l'on a oubliés, voire ignorés durant des années.

Entre 100.000 et 150.000 personnes "sans-papiers" vivent en outre en Belgique aujourd'hui. Par définition, ces personnes sont invisibles puisqu'elles ne sont pas reconnues par l'administration. Cette invisibilité les confine dans l'illégalité et la peur alors que ces personnes sont pourtant nos voisin.e.s, nos ami.e.s, les parents d'élèves de nos écoles depuis de nombreuses années.

Chaque matin, en conduisant leurs enfants à l'école, elles partent la peur au ventre à l'idée qu'une opération de police à la sortie du bus ne les envoient en détention. Souvent, elles se figent en voyant quelques policiers dans la rue; "Je tremble quand je vois leur chien, je n'arrive plus à marcher, je suis pétrifiée, je sais qu'en une seconde je peux être renvoyée dans un pays auquel je n'appartiens plus depuis 15 ans" m'expliquait un jour une personne "sans-papiers", mère de famille, pleinement citoyenne de mon pays, la Belgique. Depuis trop d'années, ignorés, précarisés, exploités, les "sans-papiers" vivent dans cette peur quotidienne d'être arrachés de leur vie construite ici.

En réalité, les personnes "sans-papiers" travaillent pour nous, souvent "au noir" dans des entreprises sous-traitantes actives dans des secteurs essentiels comme la logistique, la construction ou le nettoyage pour garantir des bureaux bien propres, des rayons bien achalandés et des trottoirs impeccables. Et nul doute que l'absence de statut administratif reconnu publiquement les expose régulièrement aux abus et à l'exploitation par des employeurs peu scrupuleux ou à la sous-utilisation de leurs compétences.

Ajoutée à cette peur, la crise déclenchée par la pandémie que nous vivons aujourd'hui les plonge plus profondément dans la dureté de leur condition. Un "sans-papiers" exploité dans une entreprise ne touche, une fois l'entreprise à l'arrêt, ni chômage, ni aide sociale. C'était vrai avant, ça l'est d'autant plus aujourd'hui. Privés de revenu, les "sans-papiers" ne peuvent compter que sur les banques alimentaires (aujourd'hui, elles-mêmes en grande difficulté) et les solidarités citoyennes pour subvenir à leurs besoins vitaux.

Du point de vue sanitaire, leur vulnérabilité face à la maladie est d'autant plus importante qu'ils vivent souvent dans une promiscuité forcée. Avec toutes les difficultés d'accès aux soins médicaux de base, beaucoup d'entre elles et eux présentent aujourd'hui des facteurs de risque aggravants en cas de contamination. S'il est vrai que l'aide médicale urgente leur est normalement accessible, seulement 10 à 20% de personnes "sans-papiers" y ont recours par défaut d'informations ou en raison de la crainte d'une arrestation. C'est cette même crainte qui les empêche également d'alerter la police, par exemple en cas de violences conjugales dont on constate l'augmentation en raison du confinement.

Sortir les sans-papiers de l'anonymat et de la peur pour les / nous sortir de la crise sanitaire

"On ne veut pas être un fardeau pour ce pays, on veut au contraire y participer !" affirmait Yassine, lors d'un témoignage vidéo quelques jours après le début du confinement. Aujourd'hui, nous pouvons faire de cette crise une opportunité pour rencontrer cette réalité. Depuis trop d'années, nous nous sommes accommodés des inégalités et des injustices que notre modèle a imposées à toute une série de catégories de personnes vulnérables.

Cette crise aura eu le mérite de nous rappeler cette réalité ; des dizaines de milliers de personnes que nous ignorons depuis tant d'années ne sont pas logées à la même enseigne face au nécessaire confinement ; précarisées, sans revenus, sans accès aux soins de santé, vivant dans des logements précaires où la promiscuité est inévitable, les mesures sanitaires s'avèrent impossibles à appliquer, rendant la stratégie collective contre la pandémie inefficace. De la même manière, nous savons qu'une sortie du confinement est conditionnée, notamment, par une campagne de dépistage massif de la population, mais cette stratégie devient bancale quand des dizaines de milliers de personnes vivant sur le territoire sont ignorées.

Mis à l'écart du tissu économique officiel depuis des années, les "sans-papiers" regardent aujourd'hui la décision d'autoriser les demandeurs d'asile à travailler, que ce soit comme saisonniers dans les champs, comme aide dans les maisons de repos ou dans d'autres secteur de l'économie, avec une certaine interrogation. Comment peuvent-ils eux prétendre à une reconnaissance alors qu'ils participent à l'économie de notre pays depuis des années ? Cette mesure temporaire peut être soutenue, mais à condition qu'elle débouche sur une prise en compte plus globale et pérenne de la présence de ces milliers de personnes sur notre territoire.

Il y a quelques mois, à travers un rapport du PNUD, les Nations unies demandaient aux pays européens d'entamer cette régularisation pour sortir de la vulnérabilité les "migrants économiques". Aujourd'hui, la crise sanitaire que nous vivons l'impose comme une évidence. Ce qui a été possible en 1999 et dans une moindre mesure en 2009, est aujourd'hui à nouveau nécessaire. Certains partis, attentifs à stimuler la peur qu'ils entretiennent dans leur électorat, crieront une nouvelle fois à "l'invasion", à ce fameux "appel d'air" qui ne s'est jamais démontré dans les faits. On leur rappellera que leur rêve de fermetures des frontières est malheureusement une réalité pour quelques mois et que leurs fantasmes d'invasion tombent à l'eau.

Dépassant les postures politiques, les controverses inutiles, le gouvernement fédéral devrait se saisir de l'opportunité d'une régularisation des personnes sans-papiers à travers un mécanisme à définir avec le milieu associatif, les partenaires sociaux et les acteurs économiques. Ce mécanisme devrait prendre en compte des critères clairs et le caractère exceptionnel du contexte dans lequel nous sommes. Leur participation enrichissante à notre société doit être aujourd'hui reconnue, leur régularisation est une mesure digne de leur rendre justice, une nécessité pour sortir de la crise et une opportunité pour reconstruire ce pays.

Le bateau " Belgique" navigue en pleine tempête. Avant de réfléchir au cap à prendre une fois cette mer agitée redevenue calme, nous devons oser regarder l'équipage dans son entièreté, assumer que nous sommes, frontières fermées, ensemble pour lutter contre les vagues déchaînées. Dans les cales sombres, occupés de ramer, ou sur le pont, assis confortablement, nos conditions de survie ne sont certes pas les mêmes, mais notre vulnérabilité face à la tempête est bien identique.

Par Simon Moutquin, député fédéral Ecolo

 

Sur sa page Facebook le 30 septembre 2020 Simon Moutquin écrit...

Accord vivaldi - Aslie & Migration

La Belgique tourne le dos à des années de politiques migratoires NVA “humaines” mais surtout très fermes. Quatre années d’une politique stimulant la peur, les discours discriminants et stigmatisants. Nous stoppons la politique indécente migratoire et affirmons un nouveau récit positif autour de la question.

Fini la fermeté, place à une politique migratoire juste !

Une politique migratoire juste, c’est une politique migratoire basée sur le droit international. Les droits de l’homme, la transparence, l'objectivation sont les maîtres mots de la note.

Quelques belles victoires ;

L’interdiction de l’enfermement des enfants.

L’attention particulière portée aux groupes de migrants vulnérables ( enfants et les personnes LGBTQIA+ )

La reprise de l'enregistrement physique des demandes d'asile à l'Office des étrangers.

L’affirmation claire des principes de base que sont le respect des conventions internationales en matière de droits humains et de droit d’asile.

L'engagement à renforcer la coopération européenne pour améliorer l'accueil des migrants et l'engagement de la Belgique à assumer sa part de responsabilité en matière de réinstallation de migrants.

Le fait que la Belgique veillera à ce que l’agence Frontex respecte les conventions internationales en matière de sauvetage et ses obligations en matière de respect des droits humains.

Un renforcement des mesures permettant à chaque personne migrante de recevoir une information transparente et complète sur ses droits et ses possibilités en matière d’asile et de séjour.

La limitation stricte du recours à la détention en vue d’un retour forcé.

L’accent mis sur les alternatives à la détention en centres fermés.
Des accords de réadmissions qui devront être transparents, guidés par le respect des droits humains et sur lesquels le parlement bénéficie, enfin, d’un droit de regard.

La mise en place de structures plus petites d'accueil FEDASIL pour des publics vulnérables.

Mais aussi des défaites, très dures, pour moi, mais surtout pour les personnes concernées.

Le maintien du Master Plan des centres fermés, bien que celui-ci sera évalué et certainement pas réalisée dans son ensemble.

La régularisation des sans-papiers que nous n'avons pas eu dans l'accord, mais pour laquelle on continuera de se battre ces prochaines années.

Pour avoir été 4 jours à la table des négociations, je peux vous dire que nos plus belles victoires sont aussi les défaites que nous avons évitées ( Visites domiciliaires, conditionnement de la coopération internationale au renvoi de migrants, etc).

Nous sommes loin, nous sommes loin dans la peur que certains ont réussi à installer dans notre pays.
Ce soir nous avons réussi à changer de récit autour de la politique migratoire.
Nous n'avons pas réussi à changer la vie de toutes les personnes qui souffrent depuis des années.

Le combat continue...

 

Et voici une réponse de Simon Moutquin à un commentaire de son post pour clarifier sa position après la déclaration de son collègue CD&V

En réaction aux interviews données par le nouveau secrétaire d’Etat à l’Asile et à la migration. 

Il n’y a jamais eu de langue de bois sur l’accord obtenu de la part d’ Ecolo et encore moins de mon côté; sur le chapitre migration, l’accord est mauvais. Il l’est pour nous, mais surtout pour les premières personnes concernées victimes de ce fossé entre politique migratoire utile et show électoral nauséabond. Je pourrais me gausser d’expliquer mon vote sur cette participation mais je ne tomberai pas dans une « bouchétisation » de la politique. C’est bien collectivement qu’il faudra assumer cela et je peux témoigner que c’est le parti dans son ensemble qui s’est battu de toute ses forces pour changer le curseur autour de la politique migratoire.

Le Secrétaire d’Etat va se rendre compte qu’il « joue » dans un nouveau gouvernement, avec des nouvelles lignes et une autre perspective. Qu’il rassure son électorat comme il le souhaite, il faudra surtout qu’il respect une équipe avec des sensibilités tout autre que ce genre de propos.

Les deux plus grands échec de l’accord selon moi sont les centres fermés et la régularisation des sans-papiers. ( voir mon post du jour de l’annonce de l’accord qui explique tout de manière transparente) Ils doivent être lus en parallèle avec les victoires de ce chapitre pour comprendre ce qui s’est joué; Avec la fin de l’enfermement des enfant, l’audit de l’Office des étrangers, la prise en considération des publics vulnérables dans l’accueil, la transparence des accords des réadmissions, l’engagement à plus de relocalisation, de défendre un mécanisme solidaire de répartition post-dublin, et beaucoup d’autres choses, nous sommes parvenus à arrêter cette course folle aux politiques migratoires populistes. J’invite réellement chacun à relire la déclaration gouvernementale Michel 1er, ou encore la note PS / NVA et vous verrez rapidement un tout autre programme et une autre tonalité.

A côté de ces victoires (qui n’ont pas pour but de minimiser un compromis trop faible), il faut se rendre compte que la condition à une politique d’asile humaine pour les autres partis autour de la table ( TOUS), c’est bien de rester dans un schéma de « retour » pour celles et ceux qui n’auraient pas droit à l’Asile. Sauf Ecolo, aucun parti en Belgique ne défend une autre approche de la politique migratoire basée sur la libre circulation des individus (ou la Legal circulation), aucun… On connait les travaux de François Gemenne et d’autres qui démontrent à quel point une autre politique migratoire est possible et souhaitable, mais cette analyse est rejetée par une immense majorité de la classe politique, de la société ET même du secteur associatif en Flandres.

Sur les centres fermées, que dit l’accord ? (Ou le contenu diffère sérieusement des galipettes en mode « musculation électorale » du nouveaux secrétaire d’Etat dans la presse ). ?
a) des alternatives à la détention pour le retour
b) un temps d’enferment plus court
c) une amélioration des conditions d’enfermements ( accès avocat, transparence, dépôt de plainte, etc) 
d) une « amélioration du master plan » qui prévoyait de 600 à 1200 places en centre fermé. 
Le nouveau secrétaire d’Etat à l’air d’avoir, pour le moment, retenu le dernier point de ce chapitre. Pourtant, l’idée est bien de pouvoir mettre en place des alternatives très rapidement à la détention pour montrer l’inutilité des centres fermés ou, au moins, d’un plan de cette ampleur. 
Sur le chapitre migration les plus belles victoire sont les défaites que nous avons évitées. Les visites domiciliaires ont été sur la table, de même qu’un durcissement du regroupement familiale, ou encore le conditionnement de l’aide au développement par le retour des migrants, sans oublier test de nationalité pour les personnes demandant la naturalisation, etc. Je peux vous assurer que nous avons bataillé sur le sujet pendant 4 jours de manière très isolés. Chacun devra assumer sa responsabilité de cet accord et le rôle qu’il a joué (ou non) pour le rendre le plus progressiste. De notre côté, on a fait au mieux dans le contexte actuel et dans ce gouvernement (et on bouffera les couleurs ( vipères) qu’il faudra, avec les conséquences à prévoir )

Le contexte parlons-en; j ‘ai été négocié à 4 reprises sur le dossier migration. Alors que j’avais bûcher toute une nuit sur mes chiffres, mes arguments juridiques et autres, je me suis retrouvé pendant les négociations dans un débat qui n’avait rien de rationnel et où l’émotion d’une nouvelle vague noire comptait plus que l’expertise de l’échec humain / économique de certaines politiques. Chaque mots, chaque virgules qui avaient pour but de ramener de l’humain dans la politique migratoire ont été arrachés par de longs débats. 

Alors je vous laisse la liberté de faire toutes les critiques, légitimes ou non, sur le résultat des négociations sur ce chapitre, exprimez toute la colère qui est aussi la mienne, et mon dégout de ce qu’est devenu l’esprit de ce pays sur les questions de vivre ensemble, mais please, c’est collectivement qu’on doit toutes et tous se rendre compte que, ce qui est pour nous une question fondamentale, celle des droits de personnes migrants, l’est de moins en moins dans l’immense majorité de la population européenne / belge / flamande / ( et francophone ?) 

Si cet accord est mauvais, imaginez ce qu’aurait été un accord NVA / PS ( voir la note qui a fuité) ou encore un Parlement annoncé à 33 % de fascises du Vlaams Belang. Je ne vais pas jouer la carte de « mon coeur saigne » pour autant, car en réalité, ça serait indécent pour les premières personnes concernées.

Sur le reste, Luke et d’autres, pas de souci pour assumer le combat devant nous, on n’arrêtera pas de soulever des drapeaux face aux grilles des centres fermés, et encore moins d’aller dans les centres pour s’assurer du traitement fait aux détenus ou récolter des témoignages (comme nous sommes les seuls écologistes à le faire… ).

On est prêt pour 4 années où chaque fausse note de Vivladi sera bien l'objet d'un combat et d'un rapport de force à construire ensemble.

( désolé c'était long)

Perso, j'ai répondu à ce post ce qui suit en mon nom Jacques Chevalier

Cette navrante histoire me rappelle la capitulation en rase campagne à Namur où, à une abstention près, les écolos dont le Président du Parlement Wallon fin 2013 s'en allaient voter pour le TSCG qui à livré notre pays à la Commission Européenne alors que les autres élus Ecolos des autres parlements avaient voté contre. On se rappelle encore que le vote suiviste des Ecolos était la conséquence d'un deal qui, je crois, ne s'est jamais concrétisé. Ici aussi il y a un deal, quel est-il ?

Ce dimanche 11 octobre 2020 mon amie Sarah Schlitz m'a répondu à mon questionnement sur le "deal" mais ce terme n'est pas vraiment expliqué.

Je publie donc la réponse de Sarah sur ma page Facebook :

Bonjour Jacques, voici la réponse de Simon Moutquin que je rejoins totalement. Il suit le dossier migration au fédéral et a eu la lourde tâche d’aller négocier sur ces matières:

Les interviews données par le nouveau secrétaire d’Etat à l’Asile et à la migration provoquent une indignation particulièrement compréhensible au sein des milieux militants.

Pas question de faire de la langue de bois sur l’accord obtenu par Ecolo sur le chapitre migration, il est décevant. Il l’est d’autant plus pour les personnes concernées, personnes migrantes et sans-papiers, victimes de ce fossé entre le besoin d’une politique migratoire humaine, basée sur des faits et le déplorable show politique motivé par des considérations électorales.

Durant les négociations, le parti dans son ensemble s’est battu de toutes ses forces pour réorienter le curseur autour de la politique migratoire. Cependant, il nous a fallu déplorer notre isolement sur le sujet. Aucun autre parti autour de la table ne nous a soutenu. Nous avons dû constater notre affaiblissement dans le rapport de force face à la réalité d’un débat public (surtout en Flandre) contaminé par les concepts fallacieux popularisés par les partis d’extrême droite et aujourd’hui acceptés par la quasi-totalité des partis politiques du nord du pays. Dès lors, nous n’avons pas pu obtenir ce changement de paradigme nécessaire que nous espérions.

Deux grands échecs marquent cet accord.

1. Nous n'avons pas pu annuler le Master Plan sur les centres fermés (consistant en un doublement des places actuellement disponibles de 600 à 1200 places). Cela illustre malheureusement la volonté des partis autour de la table de continuer une politique de retour basée sur la détention. Notons ici que nous sommes le seul parti politique belge à remettre en question cette politique de retour et proposer une perspective de libre circulation.

2. L’absence d'avancées en matière de régularisation des personnes sans-papiers. Une défaite particulièrement dure à avaler compte tenu de l’urgence de trouver une solution pour pouvoir sortir un maximum de ces hommes, femmes et enfants d’une situation de précarité inacceptable.

Toutefois, il serait faux de conclure que cet accord ne contient pas d’aspects positifs. Les échecs ci-dessus doivent être lus en parallèle avec les victoires obtenues pour comprendre ce qui s’est joué.

Concernant la politique en matière de centre fermés, une série d’avancées notables doivent être remarquées. Elles laissent entrouvertes une réelle marge de manœuvre qui nous permettront de faire évoluer la politique menée par ce gouvernement.

a) L’engagement de développer des alternatives à la détention.
b) La volonté de limiter strictement la durée d’enfermement.
c) L’engagement à améliorer les conditions d’enfermement. ( Accès facilité pour les avocats, transparence totale sur les chiffres, amélioration du mécanisme de plainte, etc.)
d) Une « amélioration du master plan » qui prévoyait de passer de 600 à 1200 places en centres fermés.

Le nouveau secrétaire d’État semble, pour l’instant, ne retenir que le dernier point de ce chapitre. Pourtant, l’idée est bien de pouvoir mettre en place rapidement des alternatives à la détention pour démontrer l’inutilité des centres fermés, et tout au moins l’aberration d’accroître le nombre de places disponibles.

Ne minimisons pas non plus certaines victoires qui n’auraient pas pu voir le jour sans notre participation active. Sans être exhaustif, nous avons notamment obtenu :

• L’engagement de mettre le droit international humanitaire comme cadre à notre politique migratoire.
• La fin de l’enfermement des enfants.
• Un audit du fonctionnement de l’Office des étrangers.
• La prise en considération des publics vulnérables dans l’accueil.
• La création de plus de places d’accueil à petite échelle dans le réseau Fedasil.
• La garantie de transparence des accords de réadmission vis-à-vis des parlementaires.
• Un engagement à se montrer solidaire en matière de relocalisation.
• Le conditionnement du soutien à Frontex au respect des droits humains.
• La défense d’un mécanisme solidaire de répartition post-Dublin.

Au-delà de ces engagements, il y a aussi un bon nombre de défaites que nous avons heureusement pu éviter. Elles annoncent enfin l’arrêt de la surenchère verbale et législative que nous connaissons depuis des années en faveur d’une politique migratoire de plus en plus répressive.

Nous avons notamment pu empêcher :

• Que ce gouvernement s’engage à rendre possibles les visites domiciliaires.
• Un nouveau durcissement des conditions du regroupement familial.
• Une volonté de lier la politique de coopération au développement avec la politique migratoire en exigeant la conclusion d’accords de réadmission.
• La réussite d’un test de connaissance de la Belgique exigés aux personnes demandant la naturalisation.

La mention de ces quelques victoires n’a pas pour but de minimiser les faiblesses de cet accord.

 

 

  • Sarah Schlitz Nous prenons acte de l’état des lieux du rapport de force politique actuel. Nous sommes le seul parti politique à nous battre pour refuser l’idée qu’une bonne politique migratoire se doit d’être évaluée en fonction de l’indicateur du taux de retour. Nous sommes les seuls à défendre une approche de la migration qui a comme perspective la libre circulation des individus. Nous sommes les seuls à prendre sérieusement en compte l’état des lieux de la recherche scientifique démontrant à quel point une autre politique migratoire est possible et souhaitable et à quel point la voie répressive est injuste et inutile.

    Chacun devra assumer sa responsabilité de cet accord et le rôle qu’il a joué (ou non) pour le rendre plus progressiste. De notre côté, nous avons fait de notre mieux au vu du contexte dans lequel nous nous sommes retrouvés.

    Un contexte de négociation où les discussions étaient marquées par leur manque de rationalité scientifique, dans l’ombre de la crainte que suscite la popularité de l’opposition en Flandre sur ces sujets. Dans ce contexte, il a fallu constater que les chiffres et les arguments de nature juridique et budgétaire ne comptaient pas. Chaque phrase, chaque mot, chaque virgule ayant pour but de ramener de l’humain dans la politique migratoire a dû être arraché par d’interminables débats.

    Face à ce constat, ce n’est que collectivement, et en coopérant à tous les niveaux que nous pourrons espérer ramener de la décence et de l’objectivité dans le débat public. C’est aujourd’hui indispensable pour espérer inverser le rapport de force en faveur du respect des droits fondamentaux des personnes migrantes, demandeuses d’asile et sans-papiers.

    Et maintenant?

    Notre présence au sein du gouvernement nous permettra, chaque fois qu’il le faudra, de rappeler au nouveau Secrétaire d'État l’importance du respect des droits fondamentaux et du droit d’asile, de lui rappeler notre attente de voir les avancées positives de cet accord se concrétiser et de mettre le holà à tout renforcement du caractère répressif de la politique migratoire basée sur une mauvaise interprétation de l’esprit et de la lettre de cet accord.

    Nous continuerons à manifester avec ou sans drapeaux face aux grilles des centres fermés. Nous continuerons à faire valoir notre droit de visite parlementaire afin de récolter les témoignages et de veiller à ce que les personnes détenues soient traitées de façon digne et humaine (droit de visite que nous, parlementaires écologistes, sommes malheureusement les seuls à faire valoir).

    Là où Ecolo est libre de mettre en place une politique migratoire plus à l’image de ses convictions, dans les communes, dans les régions et ailleurs, nous nous engagerons pour apporter des réponses concrètes aux personnes migrantes.

    Nous sommes prêts pour continuer le combat, prêts pour 4 années durant lesquelles nous tâcherons, avec vous, d’inverser ce rapport de force.

Date de dernière mise à jour : 12/10/2020

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