PARKINSON
Dans le Journal International de la Médecine du 3 juillet 2025
Parkinson : trois signes non moteurs pour prédire la maladie
Anne-Céline Rigaud | 03 Juillet 2025
Une étude américaine sur 6108 hommes montre qu'une triade de symptômes non moteurs multiplie par 23 le risque de développer un Parkinson dans les 3 ans. Ces marqueurs prodromiques pourraient ouvrir la voie à un dépistage précoce en population générale.
La maladie de Parkinson progresse insidieusement pendant des années avant que les premiers symptômes moteurs ne permettent son diagnostic. A ce stade, l’altération des neurones dopaminergiques est déjà bien avancée, limitant l’efficacité des traitements. Identifier les patients durant cette phase précoce (ou prodromique) de la maladie représente ainsi un enjeu majeur pour améliorer la prise en charge de cette pathologie neurodégénérative.
Toute une gamme de signes non moteurs ont été décrits pendant cette phase prodromique, notamment des troubles neuropsychiatriques, du sommeil ou encore sensoriels. Des stratégies pour prédire la maladie de Parkinson, basées sur des combinaisons de caractéristiques, ont d’ores et déjà été proposées, mais ciblant des populations à haut risque (notamment selon un profil génétique spécifique).
Une nouvelle étude américaine prospective apporte des éléments encourageants en démontrant qu'une combinaison de trois symptômes non moteurs permet de prédire avec précision l'apparition de la maladie de Parkinson dans les années suivantes.
Une triade prédictive particulièrement discriminante
Cette étude longitudinale prospective a porté sur 6108 hommes âgés de 40 à 75 ans, professionnels de santé, de la cohorte HPFS (Health Professionals Follow-Up Study) aux Etats-Unis, avec des évaluations répétées en 2012, 2014 et 2017. A partir des données de la littérature, sept caractéristiques non motrices ont été étudiées (constipation, trouble du comportement en sommeil paradoxal, hyposmie, altération de la vision des couleurs, somnolence diurne, douleurs corporelles et symptômes dépressifs), dont trois se sont révélées particulièrement discriminantes. Des mesures composites ont également été calculées.
La co-occurrence de la constipation, d’un trouble du comportement en sommeil paradoxal (TCSP) et de l'hyposmie multiplie par 23 le risque de diagnostic de Parkinson dans les trois années suivantes (RR = 23,35 [IC 95 % : 10,62-51,33]). Cette association reste statistiquement significative même après ajustement sur les facteurs de risque et protecteurs connus, tels que le tabagisme, l’activité physique, la consommation de caféine et le diabète, avec un risque relatif de 25,33 [11,60-55,32].
Au cours d’un suivi moyen de 3,4 années, 103 participants ont développé une maladie de Parkinson. Parmi les hommes présentant la triade symptomatique (constipation, TCSP, hyposmie), 12,5 % [6,6-18,4] ont évolué vers un Parkinson cliniquement manifeste dans les trois ans, contre seulement 0,5 % dans le groupe indemne de ces caractéristiques.
Validation des critères MDS et identification de sous-types prodromiques
L'étude valide également l'approche bayésienne développée par la Movement Disorders Society (MDS), qui intègre facteurs de risque et marqueurs prodromiques. Les hommes avec une probabilité de Parkinson prodromique ≥ 0,8 selon ces critères présentent un risque 21 fois supérieur comparativement à ceux avec une probabilité < 0,2 (RR = 21,96 [11,17-43,17]). La cooccurrence des 3 caractéristiques non motrices et une probabilité basée sur le MDS (≥ 0,8) avaient des valeurs prédictives comparables et étaient des prédicteurs plus forts que n’importe laquelle des caractéristiques prise isolément. Ainsi, la proportion d’individus qui se sont phénoconvertis dans les 3 ans était de 12,5 % chez les hommes présentant les 3 caractéristiques non motrices, et de 13,9 % (IC à 95 % = 8,5 à 19,5) chez les hommes atteints de la maladie de parkinson prodromique probable.
L'analyse temporelle montre une progression notable des symptômes dans les deux années précédant le diagnostic : la proportion d'individus présentant la triade symptomatique passe de 13% à 22%, tandis que le score médian MDS double. Cette évolution confirme l'intérêt d'un suivi longitudinal pour optimiser la prédiction.
Les associations se révèlent particulièrement robustes chez les hommes âgés de moins de 75 ans, suggérant une meilleure performance prédictive dans cette population. Cette observation pourrait orienter les stratégies de dépistage vers les sujets plus jeunes présentant ces caractéristiques prodromiques.
Deux sous-types distincts de Parkinson prodromiques ont par ailleurs été identifiés pour lesquels le TCSP et l’altération de la vision des couleurs constituaient les éléments discriminants principaux. Ces données suggèrent une hétérogénéité de la phase prodromique qui pourrait orienter vers des stratégies thérapeutiques personnalisées.
Cette étude prospective, qui ne porte que sur des hommes professionnels de santé cependant, démontre pour la première fois qu'une évaluation simple de symptômes non moteurs pourrait identifier avec une bonne précision les individus à risque de développer une maladie de Parkinson. La valeur prédictive de ces outils comparable à celle des tests de dépistage du cancer colorectal ou prostatique, ouvre des perspectives concrètes pour l'implémentation de stratégies de dépistage populationnel, si elle est confirmée dans une population plus variée.
Ces résultats pourraient révolutionner l'approche préventive de la maladie de Parkinson en permettant l'identification précoce des patients candidats aux essais thérapeutiques de neuroprotection, avant l'apparition des lésions irréversibles.
References
Flores-Torres MH, Hughes KC, Cortese M, et al. Identifying Individuals in the Prodromal Phase of Parkinson's Disease: A Prospective Cohort Study. Ann Neurol. 2025 Apr;97(4):720-729. doi: 10.1002/ana.27166.
Date de dernière mise à jour : 04/07/2025
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