2024 - Sexualité en France
Dans le Journal International de Médecine le 14 novembre 2024
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la santé sexuelle des Français
Quentin Haroche | 14 Novembre 2024
Paris – Pour la première fois depuis près de 20 ans, les Français ont été interrogés sur leur sexualité. Il en ressort une baisse de la prévention et une dégradation de la santé sexuelle.
Si le sexe fait toujours vendre, il n’a semble-t-il pas été la plus grande préoccupation des sondeurs ces dernières années. La dernière grande enquête sur la sexualité des Français, réalisée par l’Institut national des études démographiques (Ined), datait en effet de 2006. Inutile de dire que la société et son rapport à la sexualité a depuis fortement évolué, en raison de bouleversements à la fois culturels, sociaux et technologiques.
Cette longue période d’abstinence sondagière a finalement pris fin ce mercredi avec la publication par l’Inserm d’une étude financée par l’Agence nationale de recherche sur le SIDA (ANRS) et sobrement intitulée « Contexte des sexualités en France en 2023 ». Plus de 21 000 personnes (environ 11 000 femmes et 10 000 hommes) âgées de 15 à 89 ans ont été interrogées pendant près de cinq ans (la pandémie de Covid-19 a grandement ralenti la réalisation de l’enquête) sur leurs pratiques sexuelles et leur vision de la sexualité.
L’étude présente de nombreuses données sur le comportement sexuel des Français mais aussi sur leur perception des sexualités non hétérosexuelles (homosexualité et transsexualité) qui témoignent de l’évolution de notre société sur ces questions, notamment quand on compare les chiffres d’aujourd’hui avec ceux obtenus lors des précédentes enquêtes.
Globalement, les Français se montrent plus tolérants (72 % disent qu’ils accepteraient l’éventuelle homosexualité de leur enfant, contre 41 % en 1995) et présentent une sexualité plus variée. L’étude confirme également ce qui était déjà pressentie dans de précédents travaux, à savoir une baisse de l’activité sexuelle : 77 % des femmes et 82 % des hommes déclarent avoir eu des rapports sexuels dans l’année en 2023, contre 86 % des femmes et 92 % des hommes en 1992.
La prévention contre les IST laisse à désirer
Si l’on se concentre sur les questions propres à la santé sexuelle, les données recueillies par les chercheurs de l’Inserm concluent à une baisse de la prévention, sans doute liée à la moindre crainte suscitée par le VIH (une tendance là aussi déjà soulignée par de précédentes études).
Ainsi, seulement 85 % des hommes et 75 % des femmes déclarent en 2023 avoir utilisé un préservatif lors de leur premier rapport sexuel, alors qu’ils étaient 90 % des hommes et 85 % des femmes à s’être protégés lors de leur premier rapport en 2006. Seulement 49 % des femmes et 53 % des hommes utilisent un préservatif lors de leur premier rapport sexuel avec un nouveau partenaire, un chiffre qui diminue avec l’âge (jusqu’à atteindre 0 % chez les femmes de plus de 60 ans !).
Toujours s’agissant de la prévention, l’enquête de l’Inserm estime que la couverture vaccinale contre les maladies sexuellement transmissibles est toujours « insuffisante » bien qu’en progression. Ainsi, si 64 % des femmes et 53 % des hommes de 15-29 ans sont vaccinés contre l’hépatite B (sans compter 15 % de femmes et 20 % d’hommes du même âge qui ne connaissent pas leur statut vaccinal), la couverture vaccinale passe sous les 50 % à partir de 50 ans.
Concernant la vaccination contre le virus HPV, la couverture vaccinale est en forte progression : 61 % des filles de 15-19 ans et 33 % des garçons du même âge sont vaccinés, ce qui reste encore loin de l’objectif de 80 % d’adolescents vaccinés d’ici 2030 visé par le gouvernement.
Cette moindre vigilance des Français contribue à la hausse de la prévalence des infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes observée ces dernières années. Les participants à l’enquête étaient d’ailleurs invités à réaliser un dépistage des IST, auquel environ 4 900 personnes ont participé. Ceci a permis aux chercheurs de l’Inserm d’estimer un taux d’incidence des infections à Chlamydia de 0,9 % chez les femmes (2,2 % chez les 18-29 ans) et de 0,6 % chez les hommes (1,9 % chez les 18-29 ans).
La contraception évolue, les grossesses non désirées augmentent
L’étude permet enfin de mieux mesurer l’évolution des pratiques contraceptives chez les femmes en âge de procréer ne désirant pas d’enfants. Si la contraception concerne 91 % d’entre elles, les méthodes ont fortement varié ces dernières années. La pilule contraceptive, qui était utilisée par 56 % des femmes en 2006, n’a plus la cote et c’est seulement un peu plus d’un quart des femmes (26,8 %) qui continuent à l’utiliser en 2023.
Les méthodes de contraception de longue durée et notamment le stérilet ont au contraire le vent en poupe : un tiers des femmes (32 %) utilisent une de ces méthodes en 2023 alors qu’elles n’étaient que 22 % en 2000. La méthode utilisée varie fortement avec l’âge : pilule et préservatif pour les jeunes femmes de moins de 30 ans, stérilet ensuite.
Malgré les nombreuses mesures adoptées ces dernières décennies visant à favoriser l’accès à la contraception, les grossesses non-désirées restent un phénomène important. Ce sont ainsi 34 % des femmes qui déclarent que leur dernière grossesse n’était pas désirée, contre seulement 29 % en 2016. Des chiffres corroborés par l’augmentation des IVG, qui sont passés de 13,9 IVG pour 1 000 femmes en 2016 à 16,8 IVG.
Enfin, l’étude confirme un phénomène bien connu, à savoir que les personnes LGBT sont généralement en moins bonne santé sexuelle que le reste de la population : seulement 51 % des hommes homosexuels déclarent utiliser un préservatif lors de leur premier rapport avec un nouveau partenaire et ils sont 2,4 % à présenter une infection à chlamydia. L’étude de l’Inserm permet également de proposer une évaluation du phénomène de la transidentité, de plus en plus médiatisé : 2,3 % des personnes interrogées déclarent avoir pensé à changer de sexe et 0,1 % disent avoir entrepris des démarches en ce sens.
Date de dernière mise à jour : 15/11/2024
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