Poursuivi par un camembert ?
Dans le Journal International de Médecine du 11 juillet 2025
Avez-vous déjà rêvé que vous étiez poursuivi par un camembert ?
Quentin Haroche | 11 Juillet 2025
Dans une bande dessinée de 1904 intitulé « Dream of the Rarebit Fiend » (le rêve de l’amateur de welsh rarebit » en français), un personnage vit des rêves totalement hallucinés, qu’il attribue à chaque fois au fait qu’il a mangé, avant d’aller dormir, un welsh, plat traditionnel gallois. Cette bande dessinée, très populaire en Amérique du Nord, a fait naître de ce côté de l’Atlantique une croyance selon laquelle ce que l’on mange avant de de se coucher influence la nature de nos songes. Mais est-ce seulement une croyance sans fondement ou y-a-t-il une part de vérité derrière le mythe ?
Les chercheurs des départements de psychiatrie et de psychologie de trois universités canadiennes (Vancouver, Edmonton et Montréal) ont voulu en avoir le cœur net. Dans une étude publiée le 1er juillet dernier dans la revue Frontiers, ils ont interrogé environ 1 000 étudiants sur leur habitudes alimentaires et sur la qualité de leur sommeil (durée, temps d’endormissement, réveils nocturnes, capacité à se rappeler de ses rêves, occurrence des cauchemars…).
Une croyance très répandue
Premier enseignement de ce travail : un très grand nombre d’étudiants sont déjà convaincus que ce qu’ils mangent influence la qualité de leur sommeil. Parmi les répondants, ils sont ainsi 40 % à en être convaincu, dont 25 % qui pensent que leur alimentation peut nuire à la qualité de leur sommeil et 20 % qui pensent qu’elle peut l’améliorer. Les personnes qui soutiennent cette croyance sont notamment enclins à penser que la consommation de sucreries ou de produits laitiers avant de dormir peut provoquer des cauchemars, tandis que manger des fruits et légumes leur permettaient d’avoir une bonne nuit de sommeil.
Les auteurs de l’étude concèdent qu’il est très difficile de discerner ce qui relève de la simple croyance ou d’un véritable effet de la nourriture sur la psyché, la perception des rêves étant évidemment quelque chose de très subjectif. « Bien que nous manquions encore de preuves concrètes confirmant que ces observations des participants concernant la nourriture et les rêves sont effectivement exactes, certaines indications suggèrent néanmoins qu’elles pourraient l’être » commentent sans se mouiller cependant les auteurs, qui citent d’autres études dans lesquelles un lien de causalité semble établi entre une mauvaise alimentation (consommation de junk-food, grignotage…) et une piètre qualité de sommeil.
L’étude souligne notamment une plus grande occurrence de cauchemars chez les personnes intolérantes au lactose. Une des hypothèses des auteurs est que les produits laitiers peuvent provoquer des cauchemars, mais seulement indirectement. Ils envisagent en effet la possibilité que certains des participants à l’étude, intolérants au lactose sans le savoir, consomment des produits laitiers générant des problèmes digestifs dans leur sommeil et que ce sont ces symptômes qui provoquent des cauchemars !
La poule et l’œuf
« Les cauchemars sont plus intenses chez les personnes intolérantes au lactose qui souffrent de symptômes gastro-intestinaux sévères et dont le sommeil est perturbé », explique le Dr Tore Nielsen, spécialiste de médecine du sommeil à l’université de Montréal et principal auteur de l’étude. « Cela a du sens, car nous savons que d'autres sensations corporelles peuvent influencer les rêves ».
On le subodore cette étude est affectée de nombreux biais que les auteurs ne nient pas d’ailleurs. Difficile notamment de déterminer ce qui relève d’un véritable effet de l’alimentation sur le sommeil ou d’une tentative de trouver une explication à ses cauchemars a posteriori. Il est également possible que les personnes ayant un sommeil de mauvaise qualité soient plus enclins à avoir une moins bonne hygiène alimentaire. « Des études expérimentales sont nécessaires pour savoir si les gens peuvent réellement percevoir les effets de certains aliments sur leurs rêves. Nous aimerions mener une étude dans laquelle nous demanderions aux participants de consommer des produits à base de fromage, comparés à un aliment témoin, avant de dormir, afin de voir si cela modifie leur sommeil ou leurs rêves » commente le Dr Nielsen.
Difficile pour le moment donc de trancher définitivement sur l’influence de votre menu sur la qualité de sommeil. Mais à tout hasard, éviter de manger cette dernière tranche de fromage avant d’aller au lit.
Date de dernière mise à jour : 12/07/2025
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