GONARTHROSE ?
Yoga ou renforcement musculaire contre la gonarthrose (JIM 10 juin 2025
Yoga ou renforcement musculaire contre la gonarthrose?
Dr Marie-Martine Lefevre-colau | 10 Juin 2025
L'arthrose est une maladie musculosquelettique qui touche plus de 595 millions de personnes dans le monde. Les exercices en rééducation sont le traitement de première intention de l'arthrose du genou pour améliorer la douleur et la fonction selon les recommandations internationales. Les exercices d’endurance aérobie et de renforcement musculaire sont les deux modalités ayant fait la preuve de leur efficacité dans la gonarthrose. À ce jour, l’efficacité des exercices corps-esprit (mind-body exercise) tels que le yoga, sur l'arthrose du genou est incertain.
Le principe du yoga et d’intégrer aux postures physiques, des exercices de pleine conscience (forme de méditation qui consiste à prêter attention au moment présent aux pensées, aux émotions et aux sensations corporelles, sans les qualifier de « bonnes » ou « mauvaises »), des exercices de respiration et des exercices visant à améliorer la souplesse, réduire le stress et obtenir une meilleure conscience corps-esprit.
Une étude monocentrique comparant yoga et renforcement musculaire pendant 12 semaines
Cette étude contrôlée randomisée a évalué l'efficacité du yoga par rapport aux exercices de renforcement musculaire chez des patients atteints d'arthrose du genou, recrutés entre avril 2021 et juin 2022 dans la région du sud de la Tasmanie en Australie.
Les 117 participants ont été aléatoirement affectés soit dans le programme yoga (n = 58) soit dans le programme de renforcement musculaire (n = 59).Dans les deux groupes, les sessions comprenaient deux séances de groupe en présentiel d'une heure et une séance à domicile d'une heure par semaine pendant les 12 premières semaines, suivies de 3 séances à domicile par semaine pendant 12 semaines supplémentaires.
Parmi les patients inclus, 91 participants (77,8 %) ont complété l'évaluation à 12 semaines et 87 (74,4 %) à 24 semaines. Les caractéristiques démographiques et cliniques initiales des deux groupes étaient comparables. L'âge moyen était de 62,5 ans (ET 8,3) ; 85 participants (72,6 %) étaient des femmes. Le score EVA initial moyen de douleur au genou était de 53,8/100 (ET 16,0) indiquant une douleur modérée.
Des résultats globalement comparables
A 12 semaines, les deux groupes ont montré une amélioration du score de l’EVA douleur (yoga : −17,7 mm [−22,4 à −13,0 mm] ; renforcement musculaire : −16,7 mm [IC à 95 % : −21,4 à −11,8 mm]). Aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes concernant l'évolution moyenne de la douleur au genou sur l'EVA (différence entre les groupes : -1,1 mm [IC à 95 % : -7,8 à 5,7 mm] ; p = 0,76 ; d de Cohen : -0,2 [-1,6 à 1,2]).
A 24 semaines, Il n’y avait pas non plus de différence significative entre les groupes pour le changement du score EVA de la douleur (différence entre les groupes : -5,8 mm [-12,9 à 1,2 mm] ; P = 0,11 ; d de Cohen, -1,1 [-2,5 à 0,3]).
A 12 semaines, aucune différence significative n'a été observée entre les groupes pour les critères secondaires, à l'exception du score du questionnaire d’évaluation la dépression (PHQ-9) en faveur du groupe yoga (différence intergroupe : -1,1 [-1,9 à -0,2]).
Au cours de la période de 12 semaines, l’adhésion a été similaire dans les deux groupes : en moyenne 25,1 (9,8) séances complétées dans le groupe yoga et 26,0 (8,6) séances dans le groupe renforcement. L'adhésion aux exercices à domicile des semaines 13 à 24 était plus élevée dans le groupe yoga que dans le groupe d'exercices de renforcement, avec un pourcentage moyen (ET) de séances prescrites effectuées de 70,2 % (28,5 %) versus 60,0 % (29,5 %) respectivement.
Il y a eu 9 effets indésirables dans le groupe de yoga (15,5 %) et 4 dans le groupe d’exercices de renforcement (6,8 %) qui ont été considérés comme probablement liés aux interventions.
Une option crédible
Les patients des deux groupes ont signalé une réduction de la douleur cliniquement pertinente après le traitement.
L'adhésion au yoga à domicile était meilleure que celle aux exercices de renforcement musculaire. SI dans les deux groupes la sécurité et l’adhésion au programme étaient bonnes, l'incidence des effets indésirables était légèrement plus élevée dans le groupe yoga.
Les limites de cette étude sont que les participants ont été recrutés dans un seul état Australien, chez des patients volontaires pour pratiquer du yoga, ce qui pourrait en limiter la généralisation à toute la population. De plus les sessions de yoga étaient animées par des professionnels experts ce qui limite la généralisation à tous les cours de yoga
Ces résultats suggèrent que l'intégration du yoga, comme alternative ou option complémentaire aux exercices de renforcement musculaire, pourrait contribuer à un plus large choix d’exercices pour les patients et participer à la prise de décision partagée sur les stratégies d'autogestion de la gonarthrose dans le but de favoriser la compliance aux exercices au long cours.
References
Abafita BJ, Singh A, Aitken D, et al. Yoga or Strengthening Exercise for Knee Osteoarthritis: A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2025 Apr 1;8(4):e253698. doi: 10.1001/jamanetworkopen.2025.3698.
Dans le Journal International de Médecine di 20 mai 2025
Gonarthrose : la rééducation peut limiter les infiltrations
Anne-Céline Rigaud | 20 Mai 2025
Dans la prise en charge de l’arthrose du genou, les injections intra-articulaires, notamment de corticostéroïdes (CSIA) et d’acide hyaluronique (AHIA), sont actuellement couramment utilisées.
Ainsi, parmi les patients candidats à une arthroplastie du genou, jusqu’à la moitié ont reçu une injection de CSIA et un sur six d’AHIA. Plusieurs recommandations préconisent le recours aux CSIA mais leur efficacité suscite des interrogations, notamment en raison de leur impact limité sur la réduction de la consommation d’opioïdes.
Quel rôle pourrait jouer la rééducation dans ce parcours de soin ? Pourrait-elle diminuer le recours futur aux traitements intra-articulaires ?
Une étude, chez des sujets atteints de gonarthrose, explore l’influence de l’initiation précoce ou tardive de la kinésithérapie, de la dose et du type de rééducation, sur l’utilisation ultérieure des injections intra-articulaires.
Une base de données anonymisée de près de 70 000 patients
Cette étude de cohorte en vie réelle utilise une base de données états-unienne comportant les dossiers de 67 245 personnes (dont 61 % de femmes), âgées de 50 à 73 ans, orientées vers un traitement intra-articulaire dans la première année suivant le diagnostic d’arthrose du genou.
Parmi les 34 804 patients ayant reçu antérieurement des injections intra-articulaires, l’initiation de la kinésithérapie « tardive », 9 à 12 mois après le diagnostic, était associée à un risque augmenté de traitement intra-articulaire ultérieur par rapport à une initiation plus précoce, dans un délai d’1 mois (RRa 1,44 [IC 95 % 1,35-1,55]).
De plus, la réalisation d’au moins 13 séances comparativement à 1 à 5 séances était associée à une diminution du risque d’injection de 12 %. A noter, la rééducation active n’a pas été corrélée à un risque plus faible par rapport aux interventions passives.
Chez les personnes atteintes de gonarthrose et ayant déjà eu recours à des injections intra-articulaires, le fait d’initier la kinésithérapie tôt, et de réaliser plus de 12 séances de rééducation, parait être significativement associé à un risque plus faible de réitérer les injections.
Pour ceux qui n’ont jamais reçu d’injections intra-articulaires auparavant, l’impact du délai d’instauration de la physiothérapie ou le nombre de séances est moins clair.
Ces résultats semblent concordants avec ceux sur les lombalgiques chroniques, pour lesquels l’initiation précoce de la rééducation serait liée à une réduction de l’utilisation des soins de santé en aval, des coûts et de l’utilisation d’opioïdes, même si l’objectif final est d’autonomiser au maximum le patient dans sa prise en charge à terme.
References
Neogi T, Dubreuil M, Peloquin C, et al. Association of Physical Therapy Care With Use of Intra-Articular Injections in People With Knee Osteoarthritis: A Real-World Cohort Study. Arthritis Rheumatol. 2025 Mar 16. doi: 10.1002/art.43155.
Du Journal International de Médecine du 23 mai 2025
Douleurs de gonarthrose : la metformine à l’essai
Dr Pierre Margent | 23 Mai 2025
Chez des patients en surpoids ou obèses présentant une arthrose du genou mais sans diabète, un traitement de 6 mois par metformine a réduit les douleurs et raideurs articulaires tout en améliorant la fonction. Ces résultats prometteurs doivent toutefois être confirmés.
Près de 365 millions d’individus dans le monde souffrent d’arthrose du genou. La moitié d’entre eux sont en surpoids ou obèses. L’excès de poids sur les articulations, l’état inflammatoire, les désordres métaboliques glucidique et lipidique participent à la dégradation du cartilage articulaire et à la progression des lésions.
La metformine, quant à elle, réduit la production hépatique de glucose, diminue l’insulino-résistance, l’hyperinsulinisme endogène et l’inflammation, qu’il y ait ou non un diabète.
Un essai contrôlé, randomisé, en double aveugle, chez des non-diabétiques en surpoids et obèses
Un essai clinique randomisé a été mené à Victoria (Australie) afin de déterminer si un traitement de 6 mois par metformine, par rapport à un placebo, réduisait les douleurs de gonarthrose symptomatique, chez des patients en surpoids ou obèses mais non-diabétiques.
Pour être inclus, les patients devaient souffrir d’une arthrose de genou symptomatique (EVA ≥ 40 mm) évoluant depuis au moins 6 mois, être âgés de plus de 40 ans, et avoir un IMC de 25 kg/m2 ou plus. Les critères d’exclusion étaient : une gonarthrose radiologiquement très évoluée, de stade 4 à l’échelle Kellgren-Lawrens, une douleur très intense (EVA > 80 mm), une arthrite inflammatoire, ou un diabète nécessitant le recours à des hypoglycémiants, un antécédent de chirurgie du genou, une infiltration récente d’acide hyaluronique ou de corticoïdes.
La randomisation metformine-placebo fut de type 1 :1, par permutation de blocs. La metformine a été augmentée progressivement jusqu’à un maximum de 2000 mg/j durant 6 semaines, l’usage concomitant du paracétamol restant autorisé si nécessaire.
Le critère d’évaluation principal était l’évolution à 6 mois des douleurs de genou évaluées à l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA), la différence significative minimale étant fixée à 15 mm.
Parmi les paramètres secondaires figuraient les modifications de l’enraidissement articulaire et de la fonction de l’échelle de WOMAC, et celles de la qualité de vie, et du pourcentage de participants qui répondaient aux critères de la Rhumatology Osteoarthritis Research International Society (OMERACT-OARSI) qui ne nécessitent pas l’évaluation subjective par le patient.
Il ne fut pas pratiqué d’IRM durant l’essai mais un simple examen radiologique du genou. Les effets secondaires éventuels furent colligés, ainsi que l’âge, le niveau d’éducation, la profession et les principales comorbidités.
Parmi les 225 patients éligibles, 107 furent effectivement retenus, entre le 16 juin 2021 et le 1er aout 2023, dont 54 furent affectés au groupe metformine et 53 au placebo. L’âge moyen était de 58,8 (SD 9,5) ans, 68 % étaient des femmes, l’IMC moyen était de 37,2 (SD 6,21) kg/m2 et le score EVA moyen s’établissait à 55 mm.
Au total, 82 et 83 % des patients des deux groupes respectivement ont mené l’étude à terme sur une période de 6 mois. L’adhésion thérapeutique mesurée sur le retour des traitements a été de 90 et 81 %, respectivement. A 6 mois, la perte de poids moyenne a été de 1,8 kg sous metformine et de 1,2 kg sous placebo.
De meilleurs résultats sous metformine, comparativement au placebo
A la fin du semestre d’étude la réduction du score de douleur EVA a été plus nette sous metformine comparativement au placebo (variation moyenne -31,3 mm versus -18,9 mm ; différence entre les groupes -11,4 mm [IC à 95 % -20,1 à -2,6 mm] ; P = 0,01), correspondant à une taille d'effet (différence moyenne standardisée) de 0,43 [0,02 à 0,83].
Parmi les critères secondaires, les scores WOMAC de douleur, de raideur et de fonction à 6 mois étaient significativement réduit sous metformine comparée au placebo. Les différences observées du score de douleur EVA furent plus importantes chez les femmes que chez les hommes (-12,9 mm [-23,7 à -2,1] versus -5,4 mm [-21,4 à 10,6]). Des analyses post-hoc ne révélèrent aucune différence selon la sévérité du score initial ou la réduction de l’espace articulaire.
Au total, 25 effets secondaires furent rapportés, principalement sous metformine. Il s’agissait essentiellement de diarrhée et d’inconfort abdominal, d’intensité allant de faible à modérée. Ils ont conduit à l’arrêt des traitements chez 3 participants (2 sous metformine et 1 sous placebo).
En résumé, chez des patients obèses ou en surpoids souffrant d’arthrose du genou, un traitement par metformine à la posologie maximale de 2000 mg/j, durant 6 mois, a été associé à une réduction modérée des douleurs articulaires et de l’enraidissement, parallèlement à une amélioration de la fonction articulaire.
Ces résultats recoupent ceux de certaines études expérimentales antérieures. Le contrôle de la douleur sous metformine peut être lié à ses effets pléiotropes, effets anti inflammatoires et sur le métabolisme des glucides et des lipides.
Cependant, il faut signaler plusieurs réserves à ce travail. Le nombre de participants a été relativement faible et 18 % d’entre eux ont été perdus de vue. Le poids et les éléments de l’atteinte articulaire ont fait l’objet d’une autodéclaration par les patients, source possible de biais et d’inexactitude. Enfin, la fonction articulaire n’a pas été mesurée objectivement.
En conclusion, si ces données sont en faveur de l’emploi de la metformine dans la gonarthrose chez des sujets obèses ou en surpoids, la taille réduite de l’effectif appelle un essai de plus grande ampleur afin de les confirmer.
References
Pan F, Wang Y, Lim YZ, et al. Metformin for Knee Osteoarthritis in Patients With Overweight or Obesity: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2025 Apr 24:e253471. doi: 10.1001/jama.2025.3471.
Date de dernière mise à jour : 10/06/2025
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