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DIABETE DE TYPE 2

Lu dans le JIM du 2 juin 2025

Diabète de type 2, ostéoporose et fractures : une menace silencieuse

Dr Philippe Tellier | 02 Juin 2025

Le diabète de type 2 constitue un facteur de risque majeur pour de nombreux organes, au-delà du seul appareil cardiovasculaire. Le squelette est lui aussi concerné.

Si certaines méthodologiquement discutables ont suggéré que la densité minérale osseuse (DMO) était normale, voire augmentée en cas de diabète de type 2, d’autres ont clairement établi que le risque de fracture, notamment de la hanche, était augmenté dans ce contexte.

Cette discordance tiendrait à des altérations plus qualitatives que quantitatives des propriétés du tissu osseux : perturbations fines de la microarchitecture, modifications du collagène, accumulation de produits de glycation avancée, etc.

Les associations entre cette maladie métabolique et l’ostéoporose apparaissent de complexes et volontiers incertaines, ce qui fait tout l’intérêt d’une revue de la littérature internationale couplée à une méta-analyse. L’objectif n’est certes pas de faire toute la lumière sur de ténébreuses relations, mais de jeter un éclairage nécessaire et suffisant pour faciliter la décision médicale.

Une synthèse et une méta-analyse à grande échelle : quinze millions de participants

Dans l’article de la revue Medicine, Yang Cao et al ont procédé à une revue systématique de la littérature internationale en s’appuyant sur les bases de données suivantes consultées jusqu’en mars 2023 : PubMed, Embase, Cochrane et Web of Science.

Cette recherche a conduit à la sélection de 26 études observationnelles (18 études de cohortes prospectives, 6 études cas-témoins et 2 études transversales), l’effectif ainsi constitué frisant les quinze millions de participants. La qualité des études a été évaluée à l’aide de l’échelle de Newcastle-Ottawa et de la grille de l’AHRQ (Agency for Healthcare Research and Quality).

Les données ont été regroupées et traitées au moyen d’une méta-analyse à effets aléatoires, l’hétérogénéité des études étant par ailleurs appréciée et jugée significative face à un test I² > 50 %.

Un risque accru d’ostéoporose et de fracture de hanche

De cette méta-analyse, il ressort que le risque d’ostéoporose est significativement augmenté chez les diabétiques, dans le cadre des comparaisons cas-témoins, l’odds ratio (OR) correspondant étant de fait estimé à 1,84 ([IC 95 % 1,22 à 2,78], p = 0,004).

Il en va de même pour le risque global de fracture (OR = 1,21 [1,09 à 1,31], p < 0,001), avec une spécificité pour les fractures de hanche (OR = 1,53 [1,33 à 1,75], p < 0,001). En revanche, et paradoxalement, il n’y a pas de surrisque évident de fractures vertébrales (OR = 0,98 [0,89 à 1,07], NS).

Par ailleurs, le risque fracturaire dépend du sexe : il n’est significatif que chez les femmes (OR = 1,31), mais non chez les hommes (OR=1,21, NS), ce qui peut, là aussi, apparaître paradoxal. Les résultats sont également non significatifs dans certaines études transversales, ainsi que dans certaines régions du monde, telles l’Océanie, l’Europe ou encore l’Asie, ce qui pourrait relever des limites inhérentes à toute méta-analyse portant sur des études disparates tant sur le plan géographique que méthodologique.

Le surrisque fracturaire serait propre à l’Amérique du Nord, ce qui est plus surprenant, sauf si l’on prend en compte la multiplicité des facteurs de confusion potentiels (âge, sexe, statut ménopausique et nutritionnel, comorbidités, complications du diabète, traitements, pour ne citer que quelques exemples…).

Le diabète de type 2 : facteur de fragilité osseuse quoiqu’il en soit… 

Quoiqu’il en soit, les messages à retenir sont simples : une densité minérale osseuse normale en cas de diabète de type 2 ne permet pas d’exclure une ostéoporose et un risque fracturaire élevé, la hanche étant particulièrement menacée.

Le risque de chute doit être évalué notamment chez le sujet âgé, a fortiori de sexe féminin ou en cas de neuropathie, d’antécédent de fracture, de corticothérapie ou d’autres facteurs de risque. Le diabète doit être considéré comme un facteur aggravant le risque ou le pronostic d’une ostéoporose et des mesures hygiéno-diététiques classiques préventives méritent d’être instaurées.

La maladie métabolique est à même de réduire la souplesse de l’os au travers de mécanismes multiples : altération de la matrice osseuse par glycation non enzymatique du collagène, inhibition du remodelage osseux par hyperinsulinisme, inflammation chronique et stress oxydatif. S’y ajoute un risque accru de chutes favorisées par une rétinopathie, une neuropathie périphérique ou encore une hypotension orthostatique. 

Le diabète de type 2 n’est pas un protecteur osseux. Malgré une densité parfois préservée, la fragilité osseuse est bien réelle. Le clinicien doit intégrer cette vulnérabilité dans sa pratique quotidienne, non seulement pour prévenir les fractures, mais aussi pour maintenir l’autonomie de ces patients déjà exposés à de multiples complications.

References

Cao Y, Dong B, Li Y, et al. Association of type 2 diabetes with osteoporosis and fracture risk: A systematic review and meta-analysis. Medicine (Baltimore). 2025 Feb 7;104(6):e41444. doi: 10.1097/MD.0000000000041444. 

Du Journal International de Médecine du 20 mars 2025

Diabète de type 2 : choisir le bon traitement

 

Dr Philippe Tellier | 20 Mars 2025

Validé sur plus de 200 000 patients, un modèle prédictif aide à choisir le traitement hypoglycémiant du diabète de type 2 en plus de la metformine. Basé sur 9 variables cliniques et biologiques, il pourrait réduire les échecs thérapeutiques et améliorer le contrôle glycémique. 

La prise en charge du diabète de type 2 repose sur un contrôle glycémique strict pour réduire au mieux le risque de macro- et de microangiopathie à long terme.

 

Pour ce faire, il existe désormais plusieurs classes de médicaments hypoglycémiants dotés de mécanismes d’action spécifiques et caractérisés par un rapport efficacité/acceptabilité largement tributaire des caractéristiques propres à chaque patient.

De ce fait, leur prescription reste largement empirique, quoiqu’orientée par les recommandations émanant des sociétés savantes.

En pratique, chaque prescripteur est à même de déterminer le médicament qui convient le mieux à une situation clinique donnée, la maladie per se n’étant qu’un élément décisionnel, à côté du profil psychologique ou encore du statut socio-économique. 

L’idéal serait cependant de disposer d’un modèle capable de prédire la réponse glycémique à ces divers médicaments en fonction de variables opportunément choisies et simples à utiliser en routine. Une telle stratégie permettrait de prévenir les échecs thérapeutiques à long terme, préjudiciables à la prise en charge optimale de cette maladie chronique. 

Vers un modèle prédictif : cinq classes pharmacologiques, neuf variables cliniques ou biologiques 

Tel est l’objectif d’une étude publiée dans le Lancet, qui s’est attachée à développer et à valider un tel modèle à partir d’une base de données britannique (en l’occurrence Clinical Practice Research Datalink [CPRD] Aurum). 

C’est ainsi qu’ont été prises en compte et intégrées 212 166 initiations de traitement entre 2004 et 2020 chez autant de patients atteints d’un diabète de type 2. Une première validation interne a été réalisée selon des critères géographiques et calendaires.

Le modèle a par ailleurs été validé en externe sur la base des données individuelles extraites de trois essais randomisés publiés, tous consacrés au traitement du diabète de type 2 (un essai croisé à trois médicaments dit TriMaster, et deux essais menés sur groupes parallèles NCT00622284 et NCT01167881).

Les classes pharmacologiques suivantes ont été évaluées : inhibiteurs de la DPP-4 (dipeptidyl peptidase-4), agonistes des récepteurs GLP-1 (glucagon-like peptide-1), inhibiteurs du SGLT-2 (sodium–glucose co-transporter-2), sulfonylurées et thiazolidinediones. La metformine était administrée en première intention dans la plupart des cas et, dans ces conditions, non soumise à un choix thérapeutique. 

Neuf variables cliniques et biologiques ont été utilisées pour prédire la réponse glycémique : âge, sexe, ancienneté du diabète, HbA1c à l’état basal, indice de masse corporelle (IMC), débit de filtration glomérulaire estimé, taux sériques de cholestérol HDL et total, mais aussi de l’enzyme alanine aminotransférase (ALAT).

Des résultats encourageants et validés de manière transversale 

L’évaluation repose sur une approche statistique alambiquée qui fait intervenir la notion de concordance entre l’impact des traitements prédits par le modèle et ceux observés dans la pratique courante, quant au contrôle glycémique ou à d’autres critères d’efficacité.

Le groupe dit concordant se compose de patients qui ont reçu le traitement considéré comme optimal par le modèle et celui constaté en pratique. Les résultats observés sont obtenus à partir de la base de données précédemment définie et des essais randomisés cités. 

La concordance a été observée lors de 32 305 initiations thérapeutiques (15,2 %) et, dans ce cas, la réduction des taux d’HbA1c (versus discordance) à 12 mois a été en moyenne comprise entre 5,0 et 5,3 mmol/mol. Un résultat qui a été validé à l’aune des données individuelles extraites des trois essais randomisés. Le risque d’échec thérapeutique s’est ainsi avéré réduit de 38 % en cas de concordance, le hazard ratio ajusté (HRa) étant de fait estimé à 0,62 [IC à 95 % 0,59–0,64].

Le bénéfice à long terme dépasse l’impact sur le simple contrôle glycémique, si l’on procède à la même comparaison concordance/discordance en tenant compte du risque de complications diverses à 5 ans : (1) évènements cardiovasculaires majeurs ou insuffisance cardiaque : HRa = 0,85 [0,76–0,95] ; (2) progression d’une atteinte rénale : HRa= 0,71 [0,64–0,79]) ; (3) microangiopathie : HRa= 0,86 [0,78–0,96].

Les agonistes du GLP-1R et les inhibiteurs du SGLT2 sont les classes pharmacologiques jugées le plus souvent optimales (62,4 % des initiations). Seules 17,8 % des prescriptions en Angleterre depuis 2019 correspondaient au traitement optimal prédit, ce qui plaide en faveur d’une marge d’amélioration plus que significative.

Des promesses à confirmer 

Ce modèle prédictif constitue au moins en théorie un outil simple et utilisable en routine pour choisir l’hypoglycémiant le plus adapté à un patient diabétique donné, en complément de la metformine. Il serait ainsi possible d’améliorer le contrôle glycémique, de prévenir les échecs thérapeutiques, voire de réduire l’incidence des complications à long terme.

Les variables retenues sont facilement accessibles et peu coûteuses, encore qu’elles soient loin de refléter la complexité des décisions à prendre dans le monde réel. L’étude a par ailleurs ses limites car, si la méthodologie statistique est alambiquée (quoique critiquable), elle n’en repose pas moins sur une approche strictement transversale.

Avant d’adopter ce modèle en pratique courante et d’en faire un outil révolutionnaire, il convient de valider ses promesses en s’aidant d’études de cohorte prospectives, faute de quoi l’exercice risque fort de rester purement mathématique et académique. Il faut démontrer qu’il apporte un plus par rapport à la pratique courante, ce qui n’est pas si évident… 

Pour en savoir plus : 

L’outil est consultable ici : https://www.diabetesgenes.org/t2-treatment/

References

Dennis JM, Young KG, Cardoso P, et al ; MASTERMIND Consortium. A five-drug class model using routinely available clinical features to optimise prescribing in type 2 diabetes: a prediction model development and validation study. Lancet. 2025 Mar 1;405(10480):701-714. doi: 10.1016/S0140-6736(24)02617-5.

Date de dernière mise à jour : 02/06/2025

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