L'IA va-t-elle remplacer les cardiologues ?
Dans le Journal International de Médecine du 21 juillet 2025
L’IA va-t-elle remplacer les cardiologues ?
Dr Yohann Bohbot | 21 Juillet 2025
ECG automatisés, aide au diagnostic, génération de comptes rendus... L'IA s'impose en cardiologie, avec des performances parfois supérieures aux humains. Faut-il s'en réjouir ou craindre une déshumanisation de la médecine ?
L’intelligence artificielle (IA) prend une place croissante dans la pratique cardiologique : interprétation automatisée d’ECG, quantification en imagerie, génération de comptes rendus, aide à la décision thérapeutique. Certaines performances dépassent déjà les standards humains dans des tâches spécifiques, faisant naître la question : serons-nous bientôt remplacés ? Un article récemment publié dans l’European Heart Journal s’est posé cette question
L’article revient sur une question de plus en plus présente dans notre pratique : jusqu’où les outils d’IA vont-ils modifier notre travail de cardiologue ? Il ne s’agit pas de science-fiction. Certains logiciels lisent déjà les ECG ou les échographies, proposent des diagnostics, suggèrent des traitements selon les recommandations. C’est rapide, pratique, parfois plus rigoureux. Ces outils s’installent aussi dans l’enseignement, en aidant les étudiants à apprendre de façon plus ciblée.
Quand la machine montre ses failles
Mais ces technologies ont leurs limites. Elles sont entraînées à partir de données humaines, avec leurs défauts, leurs biais. Les résultats sont bons dans certains contextes, mais pas nécessairement ailleurs. Les recommandations peuvent sembler correctes, mais restent souvent opaques. Et surtout, ces outils ne comprennent rien. Ils ne voient pas un patient dans sa globalité, ne saisissent ni l’ambivalence, ni les non-dits, ni les attentes. Ils ne remplacent ni l’écoute ni le discernement clinique.
On ne peut pas leur faire une confiance aveugle. Il faut rester attentifs, savoir quand suivre leurs suggestions, quand les corriger, ou les ignorer. Déléguer une tâche ne doit pas vouloir dire se déresponsabiliser. À force de trop s’appuyer sur eux, nous risquons de perdre certains réflexes, de nous déconnecter du raisonnement clinique, et du contact avec les patients. Si les performances de l’IA sont souvent évoquées, le risque de déqualification progressive des soignants l’est beaucoup moins.
Certaines questions concrètes se posent : l’accès à ces outils reste inégal, leur coût est élevé, leur mise en place demande du temps et des moyens. Finalement, la vraie médecine, celle qui soigne, passe encore et toujours par la relation humaine. Une machine ne remplacera pas un entretien et un interrogatoire bien mené, une décision prise conjointement avec le patient, ou une parole adaptée à une situation complexe.
En somme, ce que dit l’article, c’est que ces outils peuvent nous aider, mais ne doivent pas nous diriger. À nous de les comprendre, de les utiliser quand c’est utile, de les surveiller, mais aussi de garder ce qui fait le cœur de notre métier : la présence, l’écoute, le jugement clinique. L’important n’est pas de suivre la technologie à tout prix, mais de rester médecins, responsables et proches de nos patients.
References
Averbuch T, Asselbergs FW, Vardas P, Van Spall HGC. Great debate: artificial intelligence will replace much of what cardiologists do. Eur Heart J. 2025 Jul 10:ehaf305. doi: 10.1093/eurheartj/ehaf305.
Date de dernière mise à jour : 22/07/2025
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