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GONARTHROSE

Du journal International de Médecine du 25 juillet 2025

Gonarthrose : toutes les infiltrations ne se valent pas

Dr Philippe Tellier | 25 Juillet 2025

Les infiltrations intra-articulaires retardent-elles l'arthroplastie du genou ? Une étude IRM suggère des effets contrastés : l'acide hyaluronique semble protéger le cartilage, les corticoïdes pourraient l'abîmer.

La gonarthrose reste l’une des principales causes d’invalidité dans le monde. Face à une maladie dégénérative chronique à l’évolution imprévisible, l’objectif du traitement est de retarder au maximum le moment de l’arthroplastie. Les infiltrations intra-articulaires sont souvent utilisées pour temporiser et juguler la douleur, mais quel est leur impact sur les structures articulaires à long terme ? Favorisent-elles leur détérioration progressive ? L’acide hyaluronique et les corticoïdes ont-ils les mêmes effets ? Autant de questions qui trouvent des éléments de réponse dans une étude récemment publiée dans la revue Radiology. 

Une analyse secondaire des données d’une cohorte longitudinale

Cette dernière repose sur une vaste base de données qui a été constituée dans le cadre de l’OAI (Osteoarthritis Initiative), étude prospective longitudinale multicentrique au cours de laquelle sont suivis à intervalles réguliers entre 2004 et 2015 près de 5 000 sujets. 

Au sein de cette cohorte, ont été sélectionnés 210 participants atteints de gonarthrose (âge moyen, 64,0 ± 7,9 ans ; 126 femmes). Trois groupes ont été constitués a posteriori, dont l’un composé de 140 témoins. Dans les deux autres groupes, une seule infiltration intra-articulaire d’acide hyaluronique (n = 26) ou de corticoïdes (n = 44) a été réalisée. Les groupes cas et témoins ont été appariés selon la méthode du score de propension en incluant l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, le grade radiographique des lésions selon les critères morphologiques de Kellgren-Lawrence (KL), l’intensité de la douleur et de la gêne fonctionnelle, évaluées à l’aide du questionnaire WOMAC* et l’activité physique. 

Une IRM (3 Tesla) a été pratiquée à trois reprises : au moment de l’infiltration, mais aussi deux ans avant et deux ans après cette dernière. L’évolution des lésions du genou touché a été évaluée à l’aide du score semi-quantitatif WORMS (Whole-Organ MRI Score) qui prend en compte les lésions du cartilage, de l’os sous-chondral, des ménisques et des ligaments, mais aussi les épanchements intra-articulaires ou synoviaux. L’interprétation des images a été confiée à trois radiologues expérimentés qui ont eu recours à une grille d’évaluation validée. En cas de désaccord, l’avis d’un quatrième radiologue senior a été sollicité, de façon à obtenir un consensus. À noter que cette lecture centralisée et normalisée des images a été réalisée en aveugle sans information sur l’appartenance à tel ou tel groupe, ce qui confère une certaine robustesse aux résultats. 

Avantage à l’acide hyaluronique, avec un bémol

Par rapport au groupe témoin, une progression significative des lésions structurelles attestée par une augmentation du score WORMS a été observée en cas d’infiltration de corticoïdes, la différence intergroupe étant modeste quoique statistiquement significative (+0,39 ; p = 0,02). Il en a été de même en comparant les infiltrations de corticoïdes aux infiltrations d’acide hyaluronique (+0,42 ; p = 0,04). En revanche, comparées au groupe témoin, ces dernières ont été associées à une diminution significative du score WORMS (−0,42 ; p = 0,003). Des réponses voisines ont été constatées quant aux sous-scores du WORMS prenant en compte uniquement la dégradation du cartilage. Dans les deux groupes, une diminution significative de la douleur a été constatée, mais uniquement à court terme.

Les corticoïdes, bien que bénéfiques sur la douleur à court terme, pourraient accélérer la dégradation cartilagineuse et la progression de l’arthrose du genou en l’espace de deux ans. En revanche, les injections d’acide hyaluronique apparaissent plus neutres, voire protectrices tout en assurant un effet symptomatique voisin. La viscosupplémentation est-elle préférable aux infiltrations de corticoïdes ? La réponse intuitive est positive et cette étude plaide en sa faveur. Il faut cependant souligner les limites de cette étude rétrospective du type cas-témoins qui ne permet en aucun cas d’établir un lien de causalité entre les effets observés à l’imagerie et la nature des infiltrations. La taille réduite du groupe acide hyaluronique limite par ailleurs la puissance statistique de l’étude et de nombreux biais peuvent opérer dans le choix de l’infiltration et de sa nature chez un patient donné. Une seule infiltration a été prise en compte et le fait de préférer un corticoïde à l’acide hyaluronique n’est pas anodin, dans la mesure où il peut témoigner d’une gonarthrose peut-être plus sévère. C’est dire que d’autres études, de préférence randomisées, seront nécessaires pour valider ces résultats. 

References

Bharadwaj UU, Lynch JA, Joseph GB, et al. Intra-articular Knee Injections and Progression of Knee Osteoarthritis: Data from the Osteoarthritis Initiative. Radiology. 2025 May;315(2):e233081. doi: 10.1148/radiol.233081. 

Date de dernière mise à jour : 26/07/2025

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