L'exercice contre l'arthrose du genou ?
Dans le Journal International de Médecine du 8 août 2025
L'exercice contre l'arthrose du genou : 139 essais révèlent une efficacité en demi-teinte
Dr Marie-Martine Lefevre-colau | 08 Août 2025
L'arthrose du genou, qui touche plus de 654 millions de personnes dans le monde, représente un défi de santé publique. Cette nouvelle revue systématique Cochrane, incluant 139 essais et 12 468 participants, fait le point sur l'efficacité des exercices thérapeutiques. Les résultats, bien que prometteurs, soulèvent des questions importantes sur la significativité clinique réelle des bénéfices observés et appellent à une réflexion approfondie sur les modalités optimales de prescription.
L'arthrose est une affection qui peut altérer tous les tissus d'une articulation synoviale : le cartilage, l'os sous-chondral, les ménisques et la synoviale. Elle entraîne l'apparition d'ostéophytes osseux et cartilagineux, conduisant à une défaillance fonctionnelle de l'articulation. L'arthrose est généralement associée à un certain nombre de comorbidités, telles que l'obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète et les troubles de santé mentale.
L'arthrose du genou est fréquente et touche plus de 654 millions de personnes dans le monde (soit environ 23 % des personnes âgées de 40 ans et plus). Sa prévalence a augmenté de 63 % entre 1990 et 2016.
L'exercice thérapeutique : une approche multifacette
L'exercice est une sous-catégorie d'activité physique planifiée, structurée et répétitive qui vise à améliorer l'amplitude articulaire, la force musculaire, l'équilibre et/ou la capacité d'endurance aérobie. Les programmes d'exercices sont généralement hétérogènes en termes de conception, de dosage (durée, fréquence, intensité), de modalités d'administration (supervision ou non, individuelles ou en groupe, en présentiel ou à distance), du type d'exercices (renforcement musculaire, aérobie) et peuvent être associés à d'autres traitements conservateurs (éducation, thérapie manuelle, médicaments).
Toutes les recommandations actuelles préconisent la pratique d'exercice régulier comme pierre angulaire de la prise en charge de l'arthrose du genou, indépendamment de l'âge, de la comorbidité, de la gravité et du handicap.
Les hypothèses suggérées pour expliquer l'amélioration de la douleur et de la fonction par le biais des exercices sont l'augmentation de la force musculaire, la diminution des cytokines inflammatoires grâce aux exercices aérobie, le maintien d'un poids santé, la réduction du tissu adipeux viscéral et la régulation des diverses voies métaboliques du cartilage sain. L'exercice physique améliorerait également les croyances en sa capacité à accomplir une tâche ou à atteindre un objectif et réduirait la kinésiophobie (peur du mouvement).
Cette revue systématique constitue une troisième mise à jour des revues Cochrane évaluant l'efficacité des exercices dans l'arthrose du genou. Elle comprend désormais 139 essais (dont 96 nouveaux) soit 12 468 participants.
Face au placebo : des gains modestes mais réels
Au total, 30 études (3 065 participants) évaluaient les effets de l'exercice par rapport à un groupe placebo.
- Douleur : 28/30 études (2 873 participants) montrent, avec un niveau de preuve faible, que dans le groupe exercice, la douleur était améliorée en moyenne de 8,70/100 points (IC 95 % : 5,70 à 11,70) par rapport au groupe placebo après l'intervention. L'intervalle de confiance de la différence moyenne n'atteignant pas le seuil de 12/100 (où 0 représente l'absence de douleur) nécessaire pour considérer qu'il s'agit d'un effet cliniquement important.
- Fonction : 24/30 études (2 536 participants) montrent, avec un niveau de preuve modéré, que dans le groupe exercice, la moyenne du score de fonction était améliorée de 11,27/100 points (IC 95 % : 7,64 à 15,09) par rapport au groupe placebo après l'intervention. L'intervalle de confiance de la différence moyenne incluait à la fois une amélioration cliniquement importante (seuil de 13/100) et une amélioration cliniquement non importante.
Versus l'inaction : l'exercice fait la différence
Au total, 60 études (4 834 participants) évaluaient les effets des exercices par rapport à l'absence de traitement/aux soins usuels ou à une éducation limitée.
- Douleur : 56/60 études (4 184 patients) montrent, avec un niveau de preuve faible, que dans le groupe exercice la douleur était améliorée en moyenne de 13,14/100 points (IC 95 % : 10,36 à 15,91) par rapport au groupe contrôle après l'intervention. L'intervalle de confiance de la différence moyenne comprenait à la fois une amélioration cliniquement importante (seuil de 12/100 points) et cliniquement non importante.
- Fonction : 54/60 études (4 352 participants) montrent, avec un niveau de preuve modéré, que dans le groupe exercice la moyenne du score de fonction était améliorée de 12,53/100 points (IC 95 % : 9,74 à 15,31) (où 0 représente l'absence d'incapacité fonctionnelle) par rapport au groupe contrôle après l'intervention. L'intervalle de confiance de la différence moyenne incluait à la fois une amélioration cliniquement importante (seuil de 13/100 points) et une amélioration cliniquement non importante.
L'exercice en complément : un "plus" thérapeutique à confirmer
Au total, 49 études (4 569 participants) évaluaient les effets des exercices lorsqu'il était ajouté à une autre co-intervention (par rapport à cette co-intervention seule).
- Douleur : 47/49 études (4 441 participants) montrent, avec un niveau de preuve modéré, que dans le groupe exercice, la douleur était améliorée en moyenne de 10,43 points/100 (IC 95 % : 8,06 à 12,79) (où 0 représente l'absence de douleur) par rapport au groupe contrôle après l'intervention. L'intervalle de confiance de la différence moyenne comprend à la fois les améliorations cliniquement importantes (seuil de 12 points/100) et cliniquement non importantes.
- Fonction : 44/49 études (4 381 participants) montrent, avec un niveau de preuve modéré, que dans le groupe exercice la moyenne du score de fonction était légèrement améliorée en moyenne de 9,66/100 points (IC 95 % : 7,48 à 11,97) (où 0 représente l'absence d'incapacité fonctionnelle) par rapport au groupe contrôle après l'intervention. L'intervalle de confiance de la différence moyenne n'incluait pas le seuil (13/100 points) pour un effet cliniquement important.
Analyse critique : entre promesses et réalités cliniques
Cette revue Cochrane constitue une recherche très exhaustive dans les principales bases de données électroniques et les registres d'essais sans restriction de langue, permettant d'identifier tous les essais pertinents. Comparé au groupe placebo, l'exercice peut probablement entraîner une amélioration de la douleur et de la fonction immédiatement après l'intervention, avec une importance clinique incertaine.
Comparé à l'absence de traitement ou aux soins habituels, l'exercice peut probablement entraîner une amélioration de la douleur et de la fonction immédiatement après l'intervention, avec une importance clinique incertaine.
Lorsque l'exercice est ajouté à une autre co-intervention (comparativement à cette co-intervention seule), l'exercice peut probablement entraîner une amélioration de la douleur et une légère amélioration de la fonction immédiatement après l'intervention, avec une importance clinique incertaine.
L'analyse en sous-groupes n'a retrouvé aucune différence en fonction du type d'exercice, du nombre total de séances d'exercice prescrites et le nombre de consultations en direct/en temps réel avec un professionnel de la santé.
Les limites de ces études sont : les résultats à plus long terme, au-delà de la durée de l'intervention, n'ont été mesurés que dans 20 % des essais ; seuls 21 % des essais inclus présentaient un risque global de biais faible et disposaient d'un échantillon suffisamment grand pour fournir au minimum 80 % de puissance pour détecter une différence cliniquement importante pour la douleur ; l'exercice physique pouvait augmenter les effets indésirables sans gravité, cependant, deux tiers des études (66 %) ne rapportaient pas les effets indésirables.
Vers une prescription d'exercice personnalisée : les défis de demain
Malgré ce nombre important d'études, les auteurs soulignent que les futurs essais sur l'efficacité des exercices devraient utiliser des modèles d'études plus robustes et des échantillons de plus grande taille avec des protocoles d'exercices plus détaillés.
Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les différences de réponse à l'exercice afin d'identifier les personnes susceptibles d'en bénéficier le plus, notamment des études portant sur des personnes présentant différents degrés de gravité de la maladie.
Il serait également important de déterminer le type d'exercice le plus adapté, ainsi que la dose et la fréquence, le type de séance individuelle ou collective et de déterminer si certaines interventions combinées à l'exercice sont plus efficaces.
References
Lawford BJ, Hall M, Hinman RS, et al. Exercise for osteoarthritis of the knee. Cochrane Database Syst Rev. 2024 Dec 3;12(12):CD004376. doi: 10.1002/14651858.CD004376.pub4.
Date de dernière mise à jour : 16/08/2025
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