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26 juin 21 vaccinés...ou pas

Covid: "Ceux qui ne se font pas vacciner choisissent d'être infectés par le variant delta"

26/06/21 à 12:51

Daan Killemaes

Daan Killemaes

Rédacteur en chef de Trends Magazine (NL)

L'économie fait un retour spectaculaire, grâce à la campagne de vaccination qui a fait reculer le covid-19. Cependant, le variant delta risque de mettre des bâtons dans les roues.

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le nombre d'infections est à nouveau en hausse. La course entre les vaccins et les variants ne semble pas encore terminée. En Occident, nous avons probablement échappé au pire, mais le reste du monde risque encore de subir de graves vagues delta, déclare Tom Wenseleers, professeur de biologie et biostatisticien à la KU Leuven, à notre confrère de Trends.

En quelle mesure le variant delta risque-t-il de provoquer une nouvelle vague d'infections en Belgique, qui nécessitera de nouvelles mesures ?

Tom Wenseleers: J'estime que la variante delta représente déjà près de la moitié des infections en Belgique. Le variant delta est 50 % plus infectieux que le variant britannique, qui est 50 % plus infectieux que le virus original. Cela donne au variant delta un indice de reproduction de base de 6,75. Chaque personne infectée par le variant delta infecte donc en moyenne 6,75 autres personnes dans une population non vaccinée. Le variant delta est donc très contagieux. Au fond, ceux qui ne se font pas vacciner choisissent d'être infectés par le variant delta.

La situation peut sembler mauvaise, mais nous partons d'un taux de reproduction très bas en Belgique : 0,67. Si ce chiffre est bas, c'est grâce à la campagne de vaccination. Sur la base de cette faible valeur R et de l'observation que le variant delta est 50 % plus infectieux que le variant britannique, la valeur R pourrait s'élever à environ 1. C'est donc limite, mais j'estime que la valeur R ne dépassera pas beaucoup le 1. J'espère que d'ici l'automne, nous serons largement débarrassés du covid-19.

Au Royaume-Uni, le taux de reproduction est passé au-dessus de 1, malgré une campagne de vaccination plus poussée. C'est probablement dû au fait que les contacts sociaux sont plus nombreux. En Belgique, la valeur R peut également être supérieure à 1 si les contacts sociaux augmentent de manière significative. Nous devons tenir compte des épidémies locales dans les districts où la couverture vaccinale est plus faible. Aux États-Unis, nous constatons également une augmentation du nombre d'infections et d'hospitalisations dans la partie de la population qui n'a pas encore été vaccinée et dans les États où la couverture vaccinale est plus faible.

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Les pays qui ne sont pas encore très avancés dans la campagne de vaccination sont donc très sensibles au variant delta ?

En Occident, nous avons de la chance. Notre campagne de vaccination est juste assez avancée pour garder la variante delta sous contrôle. Dans de grandes parties du monde, ce n'est pas le cas. L'Afrique, par exemple, est en proie aux vagues delta. À Kinshasa, les hôpitaux sont pleins, et le Kenya et l'Ouganda sont frappés par de nouvelles vagues. Le variant delta a libre cours en Afrique parce que la population n'a pratiquement pas été vaccinée et qu'elle a encore très peu d'immunité naturelle. Cela crée une situation explosive, mais heureusement, la population africaine est encore relativement jeune.

Le variant delta frappe également ailleurs dans le monde. En Asie, de nombreux pays sont encore à risque. Singapour et Taïwan prennent des mesures strictes pour empêcher le virus d'entrer, mais il suffit que quelques infections passent entre les mailles du filet. L'Indonésie connaît une nouvelle vague delta, importante et très meurtrière. Nous constatons également l'apparition du variant - en Chine. En Inde, la vague delta s'affaiblit, probablement en raison de la nouvelle immunité naturelle, mais le pays a payé le prix fort: on estime que la vague de delta a fait trois millions de victimes. Au Pérou, 0,5 % de la population est décédée. Dans certains de ces pays, le scénario du pire est déjà partiellement devenu réalité. Le vaccin est arrivé trop tard dans ces pays. Chez nous, il est arrivé juste à temps, mais il s'en est fallu de peu.

Quel est le risque de voir apparaître un variant qui résiste aux vaccins, de sorte que nous devions nous aussi recommencer tout le processus ?

À court terme, ce risque est réduit. Pour déjouer les vaccins, il faut un variant radicalement différente du virus actuel. À plus long terme, sur une période de cinq à dix ans, c'est possible. C'est ce qui s'est passé avec la grippe espagnole. D'autre part, nous pouvons adapter les vaccins aux nouveaux variants. Il faut espérer que le cadre juridique sera suffisamment souple pour permettre une mise sur le marché rapide des vaccins modifiés. Nous risquons de perdre la bataille contre le covid car nous prenons beaucoup de temps pour tester les vaccins de manière approfondie. En même temps, l'approbation du marché tarde à venir et le savoir-faire pour sa production n'est pas suffisamment partagé dans le monde. En période de pandémie, cela ne me semble pas la stratégie la plus opportune.

Il faut également garder à l'esprit que chaque nouveau variant est non seulement plus contagieux, mais semble aussi devenir légèrement plus pathogène. Le temps est donc compté. Mais au final, nous pouvons gagner cette course. Cependant, l'inégalité d'accès aux vaccins entre les pays riches et les pays pauvres reste délicate. Malheureusement, cette inégalité conduira à de nombreuses tragédies humanitaires. En outre, les pays où l'épidémie n'est pas rapidement maîtrisée resteront un terrain propice à l'apparition de nouveaux variants. Il est donc dans l'intérêt de tous les pays du monde de vacciner l'ensemble de la population le plus rapidement possible. Mais mon espoir que les vaccins arrivent encore à temps dans la plupart des pays en développement est faible. Dans ces pays, l'immunité naturelle permettra de maîtriser l'épidémie, au prix d'un coût humain élevé. L'immunité induite par un contact antérieur avec le virus ou une vaccination peut tôt ou tard rendre la pathologie du virus similaire à celle d'un rhume. Cependant, cette étape finale n'est pas encore pour demain.

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